Paul Thomas ANDERSON fait partie de ce club assez restreint des réalisateurs qui possèdent non seulement une maîtrise totale de la technique et de la grammaire cinématographique. Son dernier film en date ne fait pas exception, non seulement sur le plan formel il est d'une rare précision, pas un plan qui ne soit pertinent, pas un montage qui ne soit imprécis, pas une photographie ou une séquence qui ne soient signifiantes, pas un choix de mise en scène qui ne serve le récit. En cela, le film mériterait déjà toutes les louanges.


Mais au delà des ces considérations, qui ne nous mentons pas n'intéressent qu'une minorité des spectateurs, PTA est également un conteur hors pair. L'histoire d'amour naïve de deux jeunes, voilà bien un sujet vu et revu qui a priori ne suscite guère d'excitation dès lors que les souvenirs mièvre de nos adolescences s'estompe et pourtant, malgré la légèreté apparente du sujet, le film parvient à créer une tension et une appétence qui nous tiennent du premier au dernier plan.


Nous sommes face à des personnages et plus précisément face à un casting qui a l'intelligence de nous présenter des acteurs dont les physiques bousculent les standards habituels d'Hollywood, et pour lesquels il est dès lors aisé de nous y identifier, nous pauvres humains dont les tares physiques nous accompagnent au quotidien. Il y a un côté rafraichissant à voir évoluer à l'écran un garçon et une fille qui pourraient être notre voisine de palier ou notre collègue de travail.

Quant à l'idée d'avoir choisi le fils de Philip SEYMOUR HOFFMAN, acteur fétiche de PTA, pour incarner le premier rôle masculin, j'y vois la volonté du réalisateur de prendre sous son aile l'enfant comme un parrain pourrait prendre sous son aile le filleul de son ami parti trop tôt et de l'accompagner vers l'émancipation.


L'émancipation m'apparait d'ailleurs être comme le sujet central du film, l'émancipation des protagonistes, Gary Valentine à travers ses affaires s'émancipe de l'isolement parental, Alana Kane en cherchant à travers le regard des hommes cherche à s'émanciper d'une famille rigoriste, l'époque choisi pour contextualiser la narration s'émancipe des vieux dogmes conservateurs, l'émancipation se retrouve aussi dans certains détails tels l'évocation de la crise pétrolière qui alors avait mis sur la place publique le besoin pour les états de s'émanciper de leurs dépendances au pétrole (pour le coup on attend encore, autre sujet).


Je reviens un instant sur les acteurs, qui m'ont grandement séduit par leur fraicheur, comme dit plus haut, mais également par leurs jeux, et il faut ici saluer la direction de PTA, qui parvient tant par ses positionnements de caméra, que par la mise en scène de ses dialogues à tirer le meilleur de ses acteurs, quant au casting des seconds rôles, toutes les apparitions de personnages m'ont non seulement séduits de part leurs apports au récit et de part leurs jeux.


Je développe un dernier point, mais il y aurait tant de choses à dire encore, que ça fait du bien d'avoir un film ou une œuvre artistique quelle qu'elle soit, qui choisit de placer son action à une époque passée, sans avoir le besoin de nous la présenter comme idéale, d'éviter le "c'était mieux avant" comme si les problèmes systémiques de nos sociétés n'étaient qu'une réalité de notre temps. Une pointe de mélancolie oui mais pas de conservatisme.


Licorice Pizza n'est pas mon Paul Thomas Anderson préféré, je ne pense même pas qu'il sera un grand film dans sa filmographie, mais putain de bordel si tous les cinéastes pouvaient s'enorgueillir de films mineurs d'une telle qualité et d'une telle maîtrise on serait bien les copains.


Spectateur-Lambda
8

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Créée

le 25 août 2022

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