Chef d’œuvre méconnu de Lucio Fulci, Béatrice Cenci retrace la vie courte et tragique de l'aristocrate romaine du même nom, avec une finesse rare. Le scénario nous présente d'abord des personnages inculpés auxquels est délivrée une sentence de mort pour parricide mais, au fur et à mesure que les flashbacks s'enchaînent et nous permettent de faire connaissance avec les condamnés en question, le film nous dévoile la personnalité de Francesco Cenci, le père en question. On découvre ainsi ce que l'Histoire a laissé de lui: un homme froid, violent et manipulateur, dont la famille a organisé la mort. Les motifs du parricide sont de plus en plus évidents à mesure que ce père effraie son entourage et va jusqu'à organiser une fête pour la mort de ses fils, ce qui lui occasionne "deux bouches de moins à nourrir"...
Dans cette société romaine partagée entre un peuple affamé et une noblesse et un clergé débordant de pouvoir, l'image de Béatrice Cenci et son entourage se complexifie, et ladite icône apparaît tour à tour comme une meurtrière, une calculatrice qui n'a aucun état d'âme pour son amant torturé, puis une victime d'un père qui se révèle finalement incestueux.
Fulci, en cette année 1969, se montre encore pour le moins pudique: si une scène de torture annonce vaguement sa future fascination pour la chair transformée, la violence et le sexe sont plutôt en retrait, et même les exécutions font l'objet d'une ellipse. On note une admiration particulière réservée à la figure de Béatrice Cenci, que les romains ont dès lors vénéré comme une résistante acharnée, malgré la condamnation papale. On dit qu'elle apparaît à chaque anniversaire de sa mort, sa tête dans les mains, à l'entrée du Château Saint-Ange, lieu de son exécution.