Lilya 4-Ever
7.4
Lilya 4-Ever

Film de Lukas Moodysson (2002)

Le désemparement de l’ex-URSS : une affliction que même les réalisateurs suédois vont chercher. La jeunesse abandonnée, hypnotisée par des USA qu’elle jalouse et méprise à la fois et qui la font graver ”Lilya 4-ever” en deux alphabets comme pour oublier que c’est de l’autre côté du monde et qu’on n’a guère mieux à faire que de comparer sa date de naissance à celle de stars.


Le dénuement est beau dans notre œil, porté par des drames simples qui mettent ses personnages en orbite des rassemblements au cœur froid de la cité slave. Le groupe devient l’endroit où la misère intellectuelle et les déchirements sont noyés. On remixe Alphaville au goût des beatboxes pour se bricoler une identité et l’on est facilement crédible à dire qu’ « on est un mec bien » parce que c’est si beau, si simple, et un tel espoir.


Seulement voilà : c’est tellement de simplicité que cela en devient de la platitude. Des scènes fortes et violentes volent en éclats sous le coup d’une phrase qui doit servir de liant mais n’invente rien. Il n’y a pas de renouvellement dans l’envol des idées, et l’échappatoire est si terre-à-terre que tout ne pouvait que mal finir.


En tant que cinéphile, on ne peut s’empêcher non plus de ressentir tout l’enrobage autour de la dénonciation du proxénétisme impliquant des mineures. Le fait est brut, mais par égard pour la discipline, on fait semblant de n’y arriver qu’après moult détournements sans pourtant savoir créer de mystère.


Cette notion crée un mouvement quasiment ostentatoire de la « marche à suivre » dans un voyeurisme tranchant qui n’a aucun secret et où les procédés narratifs passent à l’as. C’est une œuvre réalisée dans une douleur contrainte qui crée de la douleur dans le seul but de mettre le spectateur mal à l’aise.


Aussi réussie que soit la dénonciation mêlée à la création, elle se trompe de sortie et nous fait regretter de ne pas s’être plus arrêtée sur des symboles tels qu’une photo qu’on adore, qu’on déchire, qu’on répare et qu’on brûle. Car cette étude du « définitif », exploré aussi par l’évocation brute et sans rédemption du suicide, était un moteur philosophique et littéraire génial. Moodysson avait fait mieux avec Fucking Åmål.


Quantième Art

EowynCwper
4
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le 8 juil. 2019

Critique lue 224 fois

Eowyn Cwper

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