Lincoln par baptistrainteau
Etant fan du réalisateur et très interessé par le sujet, j'attendais ce film depuis longtemps, même à l'époque où Liam Neeson était attaché au projet. L'arrivée de Daniel Day Lewis n'a fait qu'augmenter cette attente, surtout après un cheval de guerre qui, cela va sans dire, ne casse vraiment (!) pas des briques.
J'ai donc enfin vu ce film, non sans une certaine appréhension, par peur d'être très déçu comme pour J. Edgar. Le postulat de départ de ces deux films présente certaines similitudes, en premier lieu le challenge de traiter l'histoire d'un homme passionnant le mieux possible. Le gros point noir de J. Edgar est l'une des plus belles réussite de Lincoln, son scénario. En ne se concentrant que sur quelques mois de la vie du président américain, Tony Kushner signe un scénario en béton armé, alors qu'il aurait pu magnifiquement ce planter. Faire un script de 2h30 composé uniquement de dialogues aurait pu mener au comble de l'ennui, mais ce n'est pas le cas. L'écriture est implacable, le combat parlementaire de Lincoln pour l'abolition de l'esclavage, mais aussi la vie privée de l'homme, marquée par la mort de l'un de ses fils et par une relation complexe avec sa femme, est retranscrit à merveille par de longues séquences de dialogues, discours et autres argumentaires, extrêmement bien écrits. Ce qui amène à la seconde plus grande qualité de ce film, le casting impeccable.
Daniel Day Lewis est évidemment immense, mais très entouré par Sally Field, Tommy Lee Jones, Joseph Gordon Levitt ou Jarred Harris. Chaque second rôle est très soigné, ce qui n'est pas toujours le cas pour un biopic.
L'autre grande interrogation sur ce film résidait dans la manière dont Spielberg allait aborder un scénario verbeux et intimiste, peu comparable au reste de sa carrière. Sa mise en scène toute en retenue ne trahit pas le script, Lincoln est surement son film le moins spectaculaire (il se refuse même de montrer son assassinat) et il le fait très bien, avec une économie de mouvements et un montage globalement assez sobre. Aucun surdécoupage, c'est un film d'acteurs, sans pour autant être du théâtre filmé. En terme de photographie, le clair obscur, sans être révolutionnaire, est fait de belle manière, bien que ce soit une mise en lumière que l'on retrouve dans la plupart des biopics,et qui n'a donc pas grand chose d'original. Enfin la musique de John Williams est à l'image du film, en retenue, composée de partitions de piano la plupart du temps. La seule envolée lyrique que j'ai noté est pendant le générique de fin.
Malgré sa réussite, Lincoln n'est pas parfait. En effet, le film a un côté scolaire quelque peu maladroit, notamment dans son introduction présentant le contexte et les différents titres présentant chaque date et évènement qui va se dérouler. Bien que nécessaire pour ne pas perdre le spectateur, il y avait surement d'autre façons de le faire. La sobriété du film est aussi, à mon goût, l'un de ses défauts. Spielberg a un grand respect pour son sujet et cela se sent, il garde en permanence une distance avec ses personnages. Bien que ce soit un choix respectable, le film manque parfois d'immersion et d'empathie, amenant une certaine froideur. Il ne nous prend jamais aux tripes et ne passionne jamais contrairement aux personnages que nous voyons s'enflammer pour un combat qui leur tient à coeur. Cela amplifie son côté manuel d'histoire qui lui nuit beaucoup. Enfin on notera certains effets de mise en scène un peu de mauvais goût et kitsch, en particulier un abus de fondus enchainés et une scène de rêves totalement empruntée à Peter Jackson lorsqu'il montre la manière dont un personnage portant l'anneau perçoit son environnement.
Pour conclure, je dirais que sans être son meilleur film, Lincoln est une réussite malgré ses imperfections, toutefois effacées par d'indéniables qualités.