Lincoln est le 3ème film américain de 2013 à proposer un regard sur l'Histoire des Etats-Unis.
Spielberg refuse l'hagiographie classique et le biopic pour se concentrer sur les derniers mois de la vie de Lincoln et son engagement pour faire voter par le Congrès le 13e amendement qui abolit l'esclavage.
Il montre les détours mobilisés par Lincoln pour faire voter l'amendement alors qu'il lui manque une vingtaine de voies : la mise en scène observe la pensée et l'action politique en train de se jouer. Lincoln fonctionne alors en partie comme un thriller : il s'agit en effet de passer en force avant le printemps pour mettre fin à la guerre, pour cela, Lincoln doit refuser de négocier avec les confédérés car mettre prématurément fin à la guerre civile risquerait de compromettre l'adoption de l'amendement.
La mise en scène choisit une reconstitution qui laisse la part belle à la photographie très soignée de Janusz Kaminski, son fidèle chef opérateur depuis la Liste de Schindler : une photo noire d'encre et poussiéreuse qui enveloppe les protagonistes. Le procédé est hélas assez répétitif car Spielberg peine par moment à penser la mise en scène des dialogues qui constituent l'essentiel de l'action du film. Il n'évite pas non plus parfois un certain lyrisme hors de propos.
Malgré ces défauts et ses longueurs, Lincoln apparaît comme un grand film politique parcouru par une tension qui le fait par moment atteindre des sommets : Spielberg est en effet partagé entre la croyance utopique dans les vertus d'une démocratie qui serait constamment réactivé par les grands hommes et un certain fatalisme, la realpolitik étant le vrai moteur de l'efficacité politique plutôt que le débat.
Enfin, Daniel Day-Lewis réalise une composition saisissante qui laisse la concurrence loin derrière : il réussit quasiment à cabotiner sans bouger un cil.
Probablement pas un futur classique mais vivement recommandé.