Dans l’œuvre d’un artiste, on peut souvent suivre un fil conducteur, un thème iconoclaste, une histoire, en somme, un parcours initiatique.
Steven Spielberg, pilier des fabriques oniriques d’Hollywood, tente, en se faisant portraitiste d’une des figures les plus emblématiques des Etats-Unis d’Amérique, de dépeindre les derniers mois de la vie du président Abraham Lincoln. Réussite en demi-teinte.
A la recherche du succès critique
Depuis la dernière décennie, le réalisateur peut se targuer d’avoir escompté de succès commerciaux sans toutefois convaincre les critiques.
Désormais, les œuvres de ce dernier revêtent un certain classicisme. Serait-ce une solution de facilité ? Pourtant Lincoln représente un projet d’aboutissement et de détermination, à l’image du président pragmatique qu’était Abraham Lincoln.
Il y a ceci d’intéressant à retracer la vie d’un homme politique : on décèle sa volonté, son aura, son charisme et les grandes étapes qui l’ont mené au succès.
Ici, Lincoln ne s’intéresse qu’au second mandat du grand homme, une époque troublée par la guerre de sécession jouxtée d’un désir de revendication raciale des afro-américains souhaitant abolir l’esclavage. Le 16ème président des Etats-Unis est d’ailleurs source d’inspiration puisqu’il fascine toujours autant ; tant par ses talents d’orateur que par sa prestance.
Pour ce faire, le réalisateur s’était vu essuyer deux refus avant que Daniel Day Lewis (ressemblance frappante avec son personnage) accepte le rôle. C’est d’ailleurs la plus grande réussite du film : l’acteur doublement oscarisé (My left foot, There will be Blood) transcende le rôle en apportant une véritable épaisseur au personnage, une certaine humanité.
Humaniste et pragmatique de nature, A. Lincoln, connu pour ses discours mêlant les registres caustiques et philosophiques avec élégance, arrivait toujours à capter son auditoire. Cet aspect est excellemment retranscrit, et peut-être trop…
A plusieurs séquences, nous pouvons écouter les analogies et anecdotes faites par le grand homme qui sont remarquablement interprétées par l’acteur mais suivre le même dialogue tout au long du film encombre par ses répétitions.
Un film trop bavard
Car Lincoln déborde. On pourrait le qualifier de film bavard, tant par les longues tergiversations du cabinet qui se répètent, que par la forme et la mise en scène. Les redondances stylistiques de la mise en scène amènent à se poser la question s’il ne manque pas, finalement, de la matière car filmer les derniers mois de la vie d’un président peut être périlleux et Steven Spielberg, malgré son expérience s’y risque sans toutefois convaincre.
Ainsi, durant plus de deux heures trente, nous assistons au même débat : « La paix ou l’égalité raciale, mais pas les deux ! ». On regrettera l’absence de scènes singulières ou véritablement marquantes.
Toutefois, les actes de bravoure durant les débats épiques entre démocrates et républicains apportent une tension véritable au film en supplantant la volonté de l’animal politique : faire la guerre par la parole. On observe ainsi nombre de joutes verbales n’aboutissant malheureusement pas toujours à l’effet voulu.
Sur la forme, parfois inadapté
Ainsi Lincoln peut décevoir par son fond mais aussi par sa forme. Plusieurs scènes sont traitées avec une grandiloquence illégitime : que ce soit dans les discours du président ou dans les scènes plus intimistes avec sa famille.
On remarque impuissamment les faiblesses du biopic de Spielberg car le véritable enjeu du 13ème amendement était de permettre une véritable égalité raciale. Peut-être la tension aurait-elle pu être mieux menée si le film ne se concentrait pas tant sur les scènes familiales revêtant des allures pathétiques.
Néanmoins, l’accumulation de scènes intimistes nous amène à nous poser des questions sur l’homme qu’était Abraham Lincoln. Une scène, d’une excellence formelle retranscrit bien les tribulations du président : le plan séquence de l’entretien entre Lincoln et les deux ingénieurs dans la salle décrit avec simplicité le fardeau qu’endossait le président sur ses larges épaules : Être l’icône politique de tout un peuple, incarner une puissance d’un feu invincible et incandescent tout en réussissant des étapes qui divisaient son peuple.
Le patriotisme du film plaira certainement trouvera son public d’outre atlantique sans toutefois le trouver sur le vieux continent.
Car si Lincoln restera dans les annales comme une icône du film politico-historique, il est moins sûr qu’il le sera pour ses prouesses artistiques et scénaristiques.