Après Tarantino et son film multi-facettes (Django Unchained), mêlant humour et suspense, histoire personnelle et histoire avec un grand H, dialogues savoureux et scènes d’actions efficaces, Spielberg nous présente sa variation sur le même thème (une certaine idée de l’abolition de l’esclavage) : sobre, sérieuse, académique. Parions que la deuxième version raflera tous les oscars ! Avec Spielberg, pas de scandale quant au politiquement incorrect, pas d’éventuel problème d’interprétation du deuxième degré, c’est propre et patriotique à souhait. De la bonne came pour tous ceux qui avaient besoin d’un cours de rattrapage sur le 13e amendement de la constitution des Etats-Unis d’Amérique. A regarder avec la main sur le cœur s’il vous plaît.
Lincoln sur LCP Public Sénat
Dans Lincoln, Spielberg choisit de s’intéresser à une partie bien précise (le vote de l’amendement) d’un vaste sujet (Lincoln et l’abolition de l’esclavage). Pari audacieux si l’on considère qu’éclairer ce moment-clé de l’Histoire consiste à dresser une liste exhaustive des différentes séances à l’assemblée, manœuvres politiques, discussions internes et discours publics ayant eu lieu sous le président Lincoln… De ce point de vue, le film paraît laborieux et se regarde avec un peu d’ennui, il faut bien l’avouer.
Très dialogué, Lincoln est à plus à écouter qu’à regarder. D’autant que d’un point de vue mise en scène, le seul intérêt, au-delà de la photographie d’ailleurs presque trop léchée – des visages parfaitement éclairés même dans l’obscurité, des ombres magnifiquement dessinées – vient du maquillage et des perruques, censés transformer des acteurs bien connus en personnages historiques authentiques. C’est l’éternel problème des biopics : jouer la ressemblance devient un intérêt en soi et tout un pan du film est consacré à la recherche du mimétisme parfait. C’est plutôt réussi mais on ne peut pas s’empêcher de passer toute la projection à comparer l’original et la copie, ce qui, au final, ne présente que peu d’intérêt.
Eloquent, et (presque) pas grandiloquent
L’intérêt du film vient des dialogues : riches, ciselés et intelligents. Le Lincoln de Spielberg est éloquent et pugnace tout autant que flegmatique. Voix fluette dans un grand corps courbé rime ici avec main de fer dans un gant de velours : le président est déterminé et rien ni personne ne le fera douter. Spielberg s’attache à décortiquer le processus qui permettra à Lincoln de faire voter son amendement, et à force de joutes oratoires ponctuées d’intermèdes sympathiques (Lincoln est un conteur de talent), il finit par emporter l’adhésion de son public – pourtant quelque peu éreinté par les deux premières heures de film – à l’approche de la victoire tant attendue.
On sort de Lincoln las et fatigué, mais à y regarder de plus près, on mesure après coup la chance qu’on a eue d’échapper à la traditionnelle fresque historique grandiloquente à laquelle on aurait pu s’attendre. Finalement la chaîne de télévision parlementaire à la sauce Spielberg, c’est pas si mal.