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Alexandre Bustillo et Julien Maury nous avaient mis dans tous nos états en 2007 avec l’extrême À l’Intérieur et son ébouriffant cocktail : trois doigts de gore, un doigt de poésie macabre. Ils remettent le couvert en cette fin d’année avec Livide, mais cette fois les proportions sont inversées. L’horreur ultime a cédé du terrain à une forme d’onirisme funèbre dans lequel les deux réalisateurs se lâchent complètement, débordant d’imagination.

Trois jeunes paumés se mettent en tête d’aller voler le magot d’une centenaire dans sa maison gigantesque et isolée dans la forêt bretonne. La vieille femme est seule, dans le coma depuis de nombreuses années et maintenue artificiellement en vie par une infirmière qui lui rend visite une fois par jour. A priori un jeu d’enfant pour ces apprentis voleurs. Mais une fois dans la bâtisse ces derniers se trouvent confrontés à des événements troublants…

De ce postulat un peu désuet (finalement une chasse au trésor dans une maison hantée), Bustillo et Faury tirent un film d’une puissance visuelle rare, mais aussi un film de peur pure, glaçant et sublime. Certains critiques évoquent l’univers d’Argento, mais Livide porte en lui un souffle gothique qui nous emmène plus volontiers du côté des visions d’un Edgar Allan Poe, toujours à la frontière du réel et du fantastique. La demeure qu’ils ont choisie n’est d’ailleurs pas sans rappeler la maison Usher de l’écrivain. Froide, immense, elle sent la mort à chaque recoin.

C’est cette habitation troublante qui tient d’ailleurs le premier rôle du film, et les deux français y démontrent une nouvelle fois leurs facilités à exploiter les espaces clos. C’était déjà le cas dans À l’Intérieur, dont l’intrigue se déroule intégralement dans une maison déshumanisée de banlieue. Mais lorsque ces espaces étaient alors prétextes à mettre en avant une véritable boucherie (où le sang et les meurtres faisaient office d’éléments de décoration, de présence humaine), les pièces dans Livide sont déjà vivantes, peuplés d’objets (poupées, bocaux, animaux empaillés, meubles gigantesques) qui font naître instantanément la peur. La pièce la plus terrible étant bien sûr la chambre de la centenaire, plongée dans une obscurité terrifiante, d’autant plus terrifiante qu’elle porte le fardeau de la maladie, de la fin proche.

Cette peur latente est décuplée par la mise en scène de Bustillo et Faury, d’une grande sobriété, qui jouent par à-coups sur la beauté d’apparitions inattendues (des jeux de miroir, d’ombre, de couleurs, de mouvements, de personnes, tous superbes). Ces apparitions, ces flashs pourrait-on dire, font sens au fur et à mesure que le fil de l’histoire progresse. La question dans Livide n’est donc pas tant de faire sursauter le spectateur ou de le choquer par des effets sanguinolents, mais de le glacer d’épouvante, de le sidérer par des visions puissantes.

Les deux français n’ont décidément pas leur pareil pour renouveler une imagerie dont on peut penser qu’elle sombre souvent dans le cliché dès lors que l’on est amateur de films de genre. Dans À l’Intérieur ils repoussaient déjà les limites du gore en n’évitant aucun détail abominable à nos pauvres yeux ébahis. Dans Livide ils nous font basculer du côté du cauchemar classieux en conservant cette identité visuelle forte acquise avec leur premier long métrage. Bustillo et Maury ne manquent décidément pas de panache, leur œuvre est en marche.

Francois-Corda
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le 2 janv. 2019

Modifiée

le 5 juin 2024

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François Lam

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