Locataires, entre errance et propriété, encrage et flottement, esthétique et politique, se fait le récit de la découverte de ce qui devrait constituer le plus commun de la vie humaine: la tendresse de l'amour. Ce sentiment est rencontré par la protagoniste par le moyen d'une âme vagabonde, extérieure au quotidien réglé par les horloges, les chiffres, les nécessités du travail.
Pas vraiment voleur, un peu profiteur, respectueux de la matière ordonnée, le personnage principal est la clé de voûte à l'élévation spirituelle et sentimentale de cette femme, que l'on rencontre en premier lieu dans une position de victime (son mari la bat et abuse d'elle sexuellement). En embrassant la fuite vers l'inconnu, elle choisit la vie de bohème, se refusant toute obligation sociétale. C'est au prix de la gratuité de la vie que l'on peut découvrir les véritables richesses de l'existence: complémentarité, respect et désir de vivre.
Le nouveau couple célèbre l'union dans ce qu'elle a de plus fort et, paradoxalement, de plus banal. Mais c'est une manière d'habiter le monde à laquelle on ne peut pas vraiment accéder en acceptant naturellement le poids de la société. Ces deux le montrent parfaitement par la loi du silence qui primera tout du long: alors qu'ils mangent, habitent chez des inconnus et évoluent dans le silence, toute trace sonore constitue une agression, une atteinte à leur mode de vie. Le mari de la femme, qui n'exprime ses émotions que par amour, sans qu'aucun geste ne puisse traduire de l'affection (violer n'est pas faire l'amour) ou encore la répression policière donnant lieu à l'enferment carcéral sont le reflet d'une incompréhension totale.
Le plus beau plan du film, qui s'inscrit immédiatement dans une histoire du cinéma coréen, montre le mari, enlaçant sa femme, lui disant "je t'aime". La caméra enregistre alors une fuite de la protagoniste par son regard, embrassant dans le dos de son mari son a(i)mant. Elle sourit. Elle ne vit pas dans une situation heureuse mais elle sait que le bonheur se cultive, sur un morceau de terre, quelque part. Peu importe que ce garçon existe ou non. Désormais, elle vit pour ce qui est important, ce qui ne peut-être expliqué par le simple fait des mots. Et c'est elle qui laisse son mari sur le carreau.