Critique écrite dans le cadre du blog Cannes Classics animé pour l'édition 2022
Le film testament de celui qu’on peut aisément qualifier de plus grand scénariste français de tout temps s’autodéfinit comme une œuvre intermédiatique en combinaison de tous les talents de son sujet. José Luis Lopez-Linares, connu naguère pour d’autres documentaires sur Goya ou autre Bosch, rend ici hommage à Jean-Claude Carrière en posant doutes et certitudes quant à son rapport à l’œuvre du peintre, sorte de debriething atypique de sa vie artistique.
Projet remontant bien des années avant la disparition de l’artiste, L’Ombre de Goya est une séduisante succession de points de vue livrés par un grand conteur d’histoires. Non sans émotion, on se laisse tout particulièrement porter par le récit métaphysique de La Femme à l’éventail, narrant que la force-vive d’une femme mourante réside justement par sa figuration même au sein de l’œuvre picturale.
Bercé par une ambiance mystique – à l’image du travail de Francisco – digne du plus décousu des documentaires, le document s’attarde aussi sur des moments de crudité délibérés, en résulte un contraste pour le moins étonnant. Les moments les plus palpitants de cet austère et curieux documentaire demeurent soit dit en passant ceux qui s’autorisent un abord brutal des œuvres picturales, ornés du témoignage de Carlos Saura.
La polychromie de l’œuvre de Goya est minutieusement décelée sous des yeux passionnés et surtout expérimentés, les deux artistes ayant pour vecteur commun leur amour de l’Espagne, de ses bons comme de ses mauvais côtés. En dépit d’un format relativement inattendu, ce documentaire sonne comme un double-hommage fort sincère et touchant, devant beaucoup à la qualité de sa narration. Un film à multi-facettes, jouant avec les contrastes et les témoignages quitte à perdre son spectateur.