Le trauma Barbie m'a appris à être méfiante avec les films dont le marketing consiste à marteler les deux trois mots tendances du moment. Ici : KRISTEN, QUEER, DOMINATION, PATRIARCAT.

Et pourtant je les aime ces films quand ils produisent autre chose que le cahier des charges de l'empowerment bourgeois, qu'un objet publicitaire (dernièrement le merveilleux Titane ou le plus bizarre mais non moins génial Feu follet de Pedro Rodrigues).

Bref, sceptique j'étais.


Mais la première partie en jette. Plongés d'emblée dans un coin d'Amérique des années 90, entre coupes mulets et bodybuilding, l'ambiance est posée. Ça suinte, ça pue (scène d'ouverture bonjour), ça gueule, ça violente.

L'originalité ici, c'est que l'habituelle érotisation des muscles viriles de l'homme se transmute sur la femme. Transmutation est un bon terme car c'est au fur et à mesure des prises de stéroïdes et de l'amour grandissant entre nos deux héroïnes que le corps de Jacky (impressionnante Katy O'Brian) semble se métamorphoser, prendre vie et corps jusqu'à la démesure (sublime scène où l'on hésite entre l'illusion et la réalité de cet effet).

Il y a quelque chose de Ducourneau (et donc de Cronenberg) dans sa manière de filmer ces corps vivants, ces corps vibrants, ces corps monstres. La sensualité est omniprésente sans jamais que le voyeurisme façon male gaze ne s'invite.


Mais passé le premier meurtre, on sent un peu où le film veut nous amener, entre revenge movie et thriller cathartique, l'idée n'est autre que de renverser la violence originelle des hommes et de s'en approprier les codes, avec sororité et amour cette fois, pour arriver à la libération finale (à la manière d'un Thelma et Louise trash).


Je dois avouer que j'ai été un peu dépassée par la surenchère de rebondissements et d'effets visuels qui ont selon moi recouvert quelque peu le propos et surtout l'énigme poétique du début. Du coup la question du film en toc répondant au cahier des charges a refait son apparition vers la fin.


Heureusement, on rit.

A la différence de "Men" (autre film A24) dont la fin ultra psychologisante, grossière et pompeuse m'avait totalement perdu ; "Love, lies and bleeding" semble tenir le pari de la farce et de l'outrance jusqu'au bout. Et ça, ça m'a plu.


Reste que deux jours après le visionnage, j'ai beau essayer de reconvoquer les images, de gratter sous la surface du film, c'est le creux à l'intérieur qui résonne. J'attends encore la pâte Rose Glass (découverte avec ma bande à Gerardmer en 2019) car je sens qu'elle en a sous la dent, que ça peut mordre et laisser une trace.

JuliaBall
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Bande à Part.

Créée

le 5 juil. 2024

Critique lue 13 fois

Julia Bl

Écrit par

Critique lue 13 fois

D'autres avis sur Love Lies Bleeding

Love Lies Bleeding
Yoshii
7

Liaison dangereuse

Parfois une phrase suffit à définir une certaine forme de condescendance (pseudo) cinéphilique, quelques mots inoffensifs prononcés comme une formule de politesse "Amusez-vous bien" à l'adresse de...

le 28 avr. 2024

42 j'aime

4

Love Lies Bleeding
Plume231
5

She-Hulk!

Pour la bonne raison que je n'ai pas encore vu le premier et précédent film de la réalisatrice Rose Glass, Saint Maud, je m'abstiendrai évidemment de faire la moindre comparaison. Ceci étant dit,...

le 12 juin 2024

20 j'aime

Love Lies Bleeding
Cinephile-doux
6

Abus de stéroïdes

Il était prévisible qu'après un premier long-métrage aussi brillant que Saint Maud, la réalisatrice britannique Rose Glass allait pouvoir traverser l'Atlantique et se voir confier des moyens plus...

le 27 avr. 2024

17 j'aime

2

Du même critique

How to Have Sex
JuliaBall
7

Critique de How to Have Sex par Julia Bl

Le malaise a commencé dès la scène d'ouverture. On assiste à l'enthousiasme débordant de trois jeunes filles arrivant dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Ça crie, ça chante, ça hurle...

le 10 août 2024

2 j'aime

Les Femmes au balcon
JuliaBall
8

Encore

Ah je sens déjà les cris d’orfraie de la team 1er degré suite au visionnage de ce film, le dégoût, l’incompréhension, la révolte et rien d'autre que la fin du cinéma à l’air du wokisme acharné. Alors...

le 13 janv. 2025

The Substance
JuliaBall
3

Film de faux-cul

Ce film m'a donné mal au dos. On m'a prédit de l'angoisse, du trouble, de l'horreur et du rire accompagné d'un "c'est un film pour toi Julia, toi qui aime les trucs tordus". Mais à la place, c'est...

le 9 déc. 2024