Critique publiée pour le Festival Premiers Plans de Janvier 2017
Thierry aime beaucoup les frères Lumière. Thierry adore parler avec passion des frères Lumière. Thierry a travaillé à l’Institut Lumière. Thierry habite dans la même ville que les frères Lumière. Thierry a fait un film, vous ne devinerez jamais de quoi ça parle.
« Lumière ! L’aventure commence » de Thierry Frémaux est le film d’ouverture du festival. À bien y réfléchir, c’est le film parfait pour débuter Premiers Plans. D’abord parce que c’est un hommage aux inventeurs historiques de la machine qui fit naître le medium. Ensuite parce que c’est une prouesse de conservation et de technique puisque les images sont restaurées en 4K (ultra haute définition). Enfin, parce que le métrage apporte une bonne dose de culture générale cinéphile qui confortera l’érudit passionné ou rassurera le festivalier hésitant.
Une centaine de films des frères Lumière défilent, d’environ 50 secondes chacun, accompagnés des commentaires de Thierry Frémaux. Si les images ne peuvent évidemment pas avoir le même impact sur le public d’aujourd’hui que lors de leur première diffusion, une étrange force s’en dégage. On retiendra notamment l’ironie du plan de la descente de bateau des scientifiques avec leurs appareils entre les mains, revenant d’une conférence pour présenter leur machine censée marquer le début de la « photographie animée ». Ou encore cette partie de football qui flirte avec l’absurde, plan fixe oblige, où les joueurs suivant la balle que l’on imagine hors champ, exécutent une sorte de ballet face caméra. Il y a quelque chose de presque mystique avec le fait de se retrouver dans une salle, avec plusieurs centaines de personnes, à observer les tentatives filmiques de deux frères farfelus d’une autre époque. Deux frères qui nous donnent à voir des mises en scène du quotidien de leurs collègues, leurs amis et leurs enfants. Je dis « mettant en scène » car les commentaires soulignent le fait que les saynètes capturées étaient souvent dirigées.
D’ailleurs, Thierry Frémaux, crédité au scénario, essaie lui aussi de nous raconter une histoire. Parfois ça fonctionne, lorsqu’il apporte un contexte bienvenu ou une anecdote bien sentie. Souvent, il tombe dans un travers impossible à éviter : les idées semblent sincères mais les commentaires sont scolaires, le ton sonne comme une récitation. J’ai beau retourner la chose dans tous les sens, je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement. Comment demander de la spontanéité et un ton primesautier sur un sujet qui a été documenté, recherché, étudié depuis une centaine d’années ? Par le biais de ses commentaires un peu fades et de ses images étranges et fascinantes, le film nous fait prendre conscience que si tout a été dit, il reste surtout encore beaucoup à voir.