J'aime le film entièrement, jusque dans ses contretemps (que je trouvais problématiques dans P'tit Quinquin), parce qu'ils construisent, ici, une mécanique singulière. J'aime ce que raconte le film, la perversité de son propos, et le salut qui n'advient pas à l'endroit où on pouvait l'attendre. Tous les personnages sont beaux, aussi bien ceux qui sont détaillés que ceux qui ne font que figurer : les trois frères de Ma Loute, par exemple, ne sont jamais simplement des gueules, ce sont aussi des corps, et à chaque fois que Ma Loute rentre chez lui j'attends leurs gestes, leurs réactions - un monde se dessine. C'est bien là la force du film de Dumont : s'autorisant tout, les effets spéciaux, la musique, le comique, le métaphorique, etc... il atteint une ampleur que je ne trouvais plus dans son cinéma depuis L'Humanité. On pourrait décrire sans fin ce qu'on voit dans son nouveau film, car il y a tant à voir qu'il semble inépuisable. Dire aussi que cet amour étrange entre Ma Loute et Billy est quelque chose de rare, qu'on voit peu au cinéma, et qui m'a fait penser, d'une certaine façon, aux histoires cruelles et sublimes de Jean Genet, rien de moins.
Et j'aimerais dire enfin que Elle, de Verhoeven, est certes un film très réussi, mais qui n'arrive pas à la cheville de l'imaginaire fabuleux de Ma Loute. Je vais au cinéma pour être là où je ne m'attends pas. Le film de Dumont m'a surpris à chaque seconde, malgré son insistance - ou bien peut-être précisément grâce à cela. Insister, c'est une façon de croire ; Dumont n'a jamais cessé.