Il est de certains cadeaux comme de ceux qui les offrent : ils sont de vraies surprises que l'on n'attendait pas.
En ce qui concerne ce premier long métrage du japonais Kore-Eda, la surprise était totale. Un cadeau innattendu et un film que je ne connaissais pas et qui fut plus qu'une révélation.
Un film/un message qui tape au bon endroit au moment où il sait être utile est chose assez rare pour en saisisr la valeur.
Ceci étant précisé, il est bien évident que l'oeuvre ne parlera pas autant à d'autres ou qu'il ne m'aurait pas autant parlé à un autre moment...
Ignoré plusieurs années par les distributeurs français malgré ses récompenses et son prix au festival de Venise, il ne sort que 4 ans plus tard dans les salles.
Une jeune femme n'arrive pas à se défaire d'un deuil qui la hante, une tristesse invisible qui ne la quitte pas jusqu'à ce qu'elle rencontre un homme qui lui montre comment se libérer de ses fantômes et apprendre à vivre à nouveau. On la rencontre alors qu'elle vit simplement entourée de sa famille et de son futur époux. Elle est encore adolescente et vient de rencontrer son futur époux Ikuo quand sa grand mère meurt en lui laissant une culpabilité incurable.
Pourquoi ne l'a t-elle pas retenue quand elle l'a vue partir de leur nouveau domicile ?
Scène suivante, on retrouve Yumiko mariée avec un jeune fils.
Son monde s'écroule à nouveau quand un policier vient lui annoncer le drame.
Nouvelle éllipse de cinq années et la jeune femme est toujours hantée par la culpabilité et les morts. Kore Eda nous montre tout en délicatesse qu'un travail de deuil ne se fait pas seul, qu'il doit être accompagné et surtout que la culpabilité qui ronge les plus sensibles ne fait que les empêcher de vivre et d'avancer.
Comment l'amour d'un être qui vous comprend, vous soutient dans les moments difficiles, est là pour nous aider à vivre et à faire notre deuil, à vaincre la peur de se fabriquer de nouveaux souvenirs haureux, quand l'attention qu'il vous porte ne s'évapore pas à la moindre difficulté, on sent l'espoir renaître en soi.
Yumiko a donc refait sa vie. Sans pour autant être débarrassée de ses tourments.
Les images somptueuses sont autant de références aux maîtres du cinéma japonais que sont Mizoguchi, Ozu ou Naruse. Ne vous méprenez pas, le film se défend très bien seul et n'a nul besoin de mettre les maîtres en avant pour séduire, hypnotiser et convaincre. Construit à l'image de l'architecture japonaise : d'intérieure avec vue infinie vers l'extérieur, le film va vers la lumière, l'obscur cherche à s'éclaircir.
Ici, point d'intrigue alambiquée mais une force qui se dégage du langage des images comme si le réalisateur, pour son premier film voulait insister fortement sur la puissance volatile des mots. On fait dire ce qu'on veut à des mots, on leur donne la force du moment mais celle-ci s'oublie, reste éphémère alors que celle des images s'imprègne et se fixe.
Certains y accordent plus d'importance que d'autres, une valeur qui peut les faire souffrir quand d'autres les oublient. C'est comme dire qu'on l'aime à quelqu'un et lui montrer à quel point il compte. Il peut y avoir un fossé.
Le travail du cinéaste en herbe sur l'ombre et la lumière, sur la manière dont il filme les personnages est une prenuve s'il en fallait encore une 20 ans après qu'il fait partie des réalisateurs les plus imaginatifs, profonds et humanistes.