Valhalla rising
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Shakespeare, depuis le passage d’Orson Welles et d’Akira Kurosawa, n’est pas une mince affaire à adapter. Justin Kurzel, jeune auteur australien presque sorti de nulle part, s’attaque pourtant à la fameuse pièce écossaise : Macbeth, pierre angulaire de l’œuvre du Père du Théâtre britannique, déjà adaptée à de maintes reprises par les plus grands, à un tel point que l’on pourrait presque douter de l’utilité d’une nouvelle traduction cinématographique.
Shakespeare maniait l’art du verbe, Kurzel manie celui des images. Il est difficile de caractériser la mise en scène de Macbeth tant elle navigue, comme embrumée, entre symbolisme, esthétisme et poésie. Il y a de façon très évidente l’amorce d’une démarche visant à donner vie au corps textuel de la pièce, lui donner une forme, une ambiance visuelle, bien loin du théâtre filmée ; peindre délicatement, et pourtant par l’intermédiaire d’une violence inouïe, des figures complexes et mystiques qui hantent l’inconscient collectif de la dramaturgie depuis leur très ancienne écriture.
Macbeth de Kurzel est comme un spectre, celui de l’homme, inlassable, et celui de l’esprit, sombre et chaotique. Au fil d’un engrenage fatidique, le film se noie progressivement dans cette atmosphère rougeoyante, dans ce brasier étouffant que l’on explore, chancelant, prisonniers de l’expressionnisme sanguinaire de ses images. Par touches isolées, Macbeth pourrait paraître une tentative artistique vaine, égocentrique – c’est pourtant le simple pinceau affiné d’un artisan du mouvement qui dessine et développe cette atmosphère martelante, à la frontière de la pure expérience sensitive.
Cette nouvelle itération de Macbeth est un spectacle quasi-métaphysique difficilement descriptible. Dans cette alliance de la phrase shakespearienne et de l’intention esthétique, on retrouve une idée très conceptuelle de l’adaptation théâtrale. Tragédie destructrice sur le pouvoir, l’ambition, la monstruosité qui sommeille en chaque être et en chaque homme, Macbeth est en cela très fidèle au matériel dont il s’inspire. La corruption de l’esprit et de la moralité comme moteur narratif et pictural, déclinaison fantasmagorique – et pourtant si cruelle – du fatum, le film de Kurzel n’est pas inattaquable mais se trouve être foncièrement fascinant. L’ambition est parfois écrasante, mais elle permet au métrage de s’envoler, et de briller lors de scènes remarquables qui resteront longtemps imprimées sur la rétine du spectateur. Superbe, grandiloquent, barbare : une formidable réussite.
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Créée
le 18 nov. 2015
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