La filmographie d’Emmanuel Mouret ne dévie pas d’un iota de sa ligne thématique et « Mademoiselle de Joncquières » ne déroge pas à la règle en dépit d’un contexte temporel qui, pour la première fois, passe de notre époque à une époque révolue, en l’occurrence le XVIIIème siècle, et donc au film en costumes. Il disserte donc encore et toujours sur les jeux de l’amour et des sentiments et il le fait toujours aussi bien même si cela ça peut paraître désuet. On peut même dresser de nombreux ponts entre certaines vérités de l’époque et celles d’aujourd’hui (rapport de force entre classes, opposition hommes-femmes, …), donnant un aspect finalement très contemporain à ce nouveau long-métrage. Cette histoire de vengeance amoureuse est reconstituée avec grand soin et tout est à sa place des jolis costumes aux magnifiques décors naturels.
Cependant, on ne peut pas dire que « Mademoiselle de Joncquières » soit une franche réussite, pas plus qu’il soit franchement emballant. Ou alors il faut goûter au cinéma du metteur en scène, si particulier et reconnaissable entre tous. On a parfois l’impression d’assister à du théâtre filmé, la mise en scène de Mouret étant souvent trop statique et le matériel de base étant très littéraire. Mais le problème principal du film n’est pas vraiment là. On a surtout la désagréable impression d’avoir vu ce genre d’intrigue une centaine de fois dans divers films d’époque de toutes nationalités. Et une œuvre la domine durant toute la projection, c’est bien entendu l’illustre roman de Choderlos de Laclos, « Les Liaisons dangereuses ». Et donc par ricochet, les films qui en ont été tirés, de la magistrale version de Stephen Frears ou à son pendant français par Roger Vadim en passant par « Valmont » de Milos Forman et l’adaptation contemporaine « Sexe intentions ». Mais, ici, tout est plus trivial et attendu et surtout moins vénéneux donc moins plaisant. En résulte une œuvre trop peu originale et bien trop sage.
Il est cependant passionnant d’entendre de si beaux dialogues mettant en avant les beautés de la langue française. Les répliques prononcées par les personnages se goûtent avec délicatesse et on prend un grand plaisir à écouter de si beaux raisonnements au sein de textes si intelligents. Des échanges profonds et érudits qui font du bien en ces temps de massacre de la langue de Molière. C’est d’ailleurs le meilleur atout du film. Mais les acteurs qui récitent le texte manquent souvent de naturel et tout cela sonne parfois faux ainsi mis dans la bouche de comédiens peu habitués à ce genre de texte. Edouard Baer, notamment, semble un choix peu judicieux pour incarner ce marquis hédoniste. Il n’arrive pas à transcender son statut d’acteur bien de notre époque et manque de charisme et de charme. Cécile de France s’en sort un peu mieux dans le rôle de cette comtesse vengeresse. Tout bien pesé, « Mademoiselle de Joncquières » se laisse regarder mais ronronne un peu, manque de piquant et de rythme, et surtout d’un script plus incisif et novateur.
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