Un film avec comme conteur un gros poisson qui s'apprête à se faire décapiter au hachoir... euh, pourquoi pas, mais qu'est-ce que cela apporte à ce qui est censé être le récit principal, à savoir une jeune femme, au bout du rouleau dans sa vie personnelle, du fait entre autres d'un avortement, et professionnelle, qui va renverser un homme et fuir le lieu de l'accident... ? Et la narration dont la chronologie est pulvérisée ? Et la présence fréquente de poissons congelés transportés dans des caisses ? Et la multitude de références à la culture norvégienne ? Et le maelström ? Et les éclairs de loufoquerie (notamment à base de coïncidences liant les destins !) qui apparaissent trop sporadiquement pour insuffler une cohérence de ton, qui leur aurait permis ainsi de justifier leur présence ?
Bon, je veux bien que le cinéma donne lieu à des expériences esthétiques et scénaristiques voulant sortir des zones de confort. Mais en contrepartie, la consistance du récit et celle des personnages ne doivent jamais être perdues de vue. Or, là, ce n'est pas le cas. Pour moi, l'ensemble est principalement une succession de poses prétentieuses vides de sens qui n'ont que pour fonction de s'éloigner inutilement de l'arc narratif principal.
Parce que quand on reste complètement concentré sur ce dernier, c'est-à-dire quand on suit sans la lâcher la protagoniste au fond du trou face à un environnement ne faisant que l'enfoncer un peu plus (je pense en plus que c'est une des forces du cinéma de Villeneuve, ce type de confrontation de l'individu face à un monde dans lequel il se sent incompatible ou face à une ou des situation(s) qui bouleversent ses repères !), il y a de bonnes séquences ; en outre, ces dernières sont bien servies par le talent et le charisme de Marie-Josée Croze (Maelström ayant au moins le mérite de l'avoir révélée !).
Mais le reste est chiant. Il est juste là pour que Denis Villeneuve puisse se donner l'impression d'être au-dessus de la masse, pour qu'il puisse se la péter. Mouais, mais se la péter avec que dalle ne donnant que dalle, ben, c'est nul. Et le rythme lancinant n'arrange rien à l'affaire. Ah oui, s'il y a un symbolisme autour des poissons (genre, on est comme des poissons hors de l'eau dans notre monde, tout ça !), il est trop omniprésent pour ne pas éviter le manque de subtilité, en nous le foutant sans cesse sous la tronche.
Le réalisateur, après la sortie de ce deuxième long-métrage, avait fait une pause de neuf ans avant d'en mettre en scène un troisième. La cause de cette longue absence des plateaux de tournage était due aux faits qu'il n'était pas fier d'Un 32 août sur Terre, son premier film (ce qui est selon moi injuste, car c'est une oeuvre tout à fait étonnante (dans le bon sens du terme !), prenante et touchante !), et du machin critiqué ici (ce qui est selon moi juste, pour les raisons susmentionnées !), ne voulant se relancer que quand il se sentira capable de donner un film dont il pourra être fier (mais, ça, c’est une autre histoire !). Bref, sur Maelström, on ne peut pas lui reprocher un manque de lucidité.