Concessions intimes
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le 21 déc. 2023
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Je rejoins l'engouement et la surprise provoquée par Maestro : avec ce film, Bradley Cooper nous confirme bien qu'a cineast is born. Peut-être faudrait-il revoir son A star is born à la lumière de celui-ci, mais il avait encore quelque chose de popu dans la forme, peut-être un peu tire-larme, trop facile...
Mais là... Déjà, il faut parler de la forme. Maestro est un biopic sur Leonard Bernstein. Pourtant, le film ne contient pas : de panneau introductif ("Leonard est né dans tel milieu", "avant que le film commence, je devais vous dire ça parce que je suis incapable de le mettre en scène" ou autre piaillerie d'imbécile), de panneau conclusif, d'année qui serve à dater le récit, de construction des personnages qui érige la vie en une trajectoire rectiligne et imperturbable (un biopic sur le père de la bombe nucléaire qui ne parlerait que de la bombe nucléaire par exemple), de concentration longue et maximale sur "le" truc important de la vie du monsieur ou de la dame.
Non.
À la place, le récit se concentre sur des détails, de pures inventions de cinéma, presque uniquement des choses qui ont dû être inventées de toute pièce pour approcher la vie de ce chef d'orchestre : ce qu'il a pu dire à sa femme dans son jardin, comment ils se sont rapprochés, comment ils ont géré son cancer... Mis à part les deux scènes d'interview, et peut-être les gestes soulignés lorsqu'il travaille (la scène dans l'église à la fin, peut-être la moins forte du film d'ailleurs) qu'est-ce qui rattache le film à du factuel, à des éléments existant sous la forme d'archives et reproductibles ? Voilà un véritable travail de metteur en scène de biopic. Déclinaison de cet argument qui prouve le zèle de Cooper : l'anti-spectacularisation des faits d'armes de Leonard Bernstein. West Side Story est cité. Pas plus. C'est une anomalie dans le biopic américain, et il faut le relever.
La musique n'est pas le personnage principal du film, et c'est parfois dommage (la scène où la musique traduit littéralement et en direct ce qu'il écrit sur sa partition, celle où il enseigne à un élève... on en aurait aimé plus), mais contentons-nous de voir là une force de réalisateur, capable de dynamiter le genre du biopic pour y instaurer bien plus de complexité que ce dont on a l'habitude.
Alors le film approche la bisexualité de son personnage d'une manière assez étrange (donc intéressante, donc originale) : sous forme de sous entendus dans un premier temps, et puis de manière frontale avec une relation qui débute au moment où le film passe en couleur (peut-être que je me trompe ?). Ça prend son temps, c'est là... et puis quand il a construit une relation forte avec sa femme actrice, il peut enfin s'engager ailleurs "en profondeur", ça prend une autre tournure. Et elle, elle accepte et souffre... Quelle humanité, quel courage d'accepter cela (à moins que ce soit imposé par des relations de pouvoir asymétriques qu'on ne nous montre pas ?). Mais c'est beau quand même, car ses rêves (ceux qu'il lui montre en fuyant un repas à table et en montant sur scène avec un magnifique jeu de drap qui entoure son rêve puis fait la transition avec le lit), c'est à elle qui les montre. Et quand elle a un cancer, c'est évident que c'est lui qui la soignera.
Et des relations montrées dans leur complexité comme ça, c'est une anomalie dans le biopic américain. Ça permet ce merveilleux plan final où, tout simplement, elle tourne le dos à la caméra. Clap de fin. A star is dead, a cineast is born.
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le 21 déc. 2023
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