Maestro
5.9
Maestro

Film de Bradley Cooper (2023)

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Je n’attendais pas grand-chose de ce film, si ce n’est un biopic lambda sur une personnalité connue, juste pour remporter des récompenses. Ce film a dépassé mes attentes, mais dans le mauvais sens, je crois que c’est le premier film depuis longtemps qui m’a mis en colère.


Je dois avouer ne pas connaître énormément de la vie de Bernstein, sur lequel est basé ce biopic, en dehors de quelques-unes de ses œuvres majeures, comme West Side Story évidemment, et de 2,3 anecdotes tirées d’une lecture rapide de Wikipédia. De ce fait, je ne partais pas avec un certain bagage théorique sur qui il était en lançant le film, et je pouvais laisser Cooper me raconter sa version de Bernstein sans constamment fact checker le récit.


Le premier souci majeur du film, c’est qu’il n’a absolument rien à raconter de son sujet, mais rien du tout, c’est aberrant. Une fois le film fini, je ne sais toujours pas qui est Leonard Bernstein, ce qui le rend exceptionnel, pourquoi il aime la musique, je ne sais pas pourquoi il aimait sa femme, son conflit avec sa propre homosexualité, sa relation avec son judaïsme, plein de sujets qui sont mentionnés mais jamais explorés. Et je ne cherche pas qu’un biopic m’apprenne qui était une personne, Wikipedia et plein d’autres choses existent pour ça, en revanche un biopic se doit d’avoir un angle narratif, et c’est totalement absent, c’est juste Bradley Cooper qui se dit « ah cool, je peux choper un Oscar », et qui ne cherche même pas à comprendre qui il incarne.


Je n’ai aucune idée de pourquoi Cooper a choisi ce projet (en-dehors des récompenses de fin d’année), mais vraiment aucune. Bernstein était un homme juif et gay, passionné par la musique, quant à Cooper, je ne crois pas qu’il soit juif, ni homo, voire qu’il n’est une quelconque passion pour l’œuvre de Bernstein et la musique en général. Et je ne dis pas que seul un acteur juif et gay aurait pu incarner le rôle, et que seul un réalisateur juif et gay aurait pu réaliser le film, mais dans ce cas, Cooper est à la fois l’acteur et le réalisateur, et dans un rôle comme l’autre, il n’a rien à raconter sur son personnage, jamais on ne peut comprendre ce qui l’attire vers ce projet.


Là, je suis obligé de mettre ce film en opposition avec un autre film sur une compositrice, fictive dans ce cas-ci, sorti beaucoup plus tôt cette année, l’excellent Tar de Todd Field. Dans Tar, le réalisateur n’essaie pas de nous donner son opinion sur la protagoniste, mais nous présente le personnage et nous laisse nous spectateur décider ce qu’on souhaite en retirer. On comprend pourquoi elle aime la musique, ce qui l’attire dans la composition et la direction d’orchestre, son homosexualité est explorée sans que ce ne soit un trait de caractère du personnage. Dans Maestro, c’est l’exact inverse, et c’est à peine si on comprend que Bernstein est un grand. Et je ne mentionne pas Tar seulement par la comparaison sur le sujet, mais parce que Bernstein est le compositeur qui donne à Lydia Tar l’envie de devenir elle-même compositrice, et que ce film nous illustre mieux qui était Bernstein sans être un personnage que le film centré sur sa vie.


C’est un projet de pure vanité pour Cooper, il produit, il réalise, il écrit, il joue le rôle principal, tout ça pour se mettre en valeur en exploitant la vie de quelqu’un dont il ne comprend rien. C’est vraiment flagrant dans certaines scènes qu’il ne fait aucun effort, je pense notamment à une longue scène de conduction d’orchestre où Cooper gesticule comme un clown dans tous les sens pendant qu’il fait bouger sa caméra partout. Le résultat est involontairement hilarant, il force tellement qu’on ne peut pas y croire. Et je ne suis pas un expert en conduction d’orchestre, au contraire, mais on ressent la non-sincérité de l’acteur derrière le geste, et le pire, c’est que pendant le générique de fin, Cooper nous montre le vrai Bernstein conduire son orchestre, les gestes sont exagérés, mais on sent la maîtrise, la compréhension de chaque geste.


C’est comme ça qu’on peut résumer la performance de Cooper, soit il fait n’importe quoi, soit il se cache derrière des tonnes de maquillages pour essayer de nous faire croire qu’il livre une grande performance. Les maquillages, sont très bien foutus, certes, et Cooper réalise un vrai travail d’acteur pour ressembler à Bernstein, mais c’est juste une façade, il n’habite jamais le personnage, et c’est sans doute ça qui le rend si faux.


Maestro essaie aussi de s’intéresser un peu à la femme de Berstein, interprétée par Carey Mulligan. Elle est comme toujours ultra solide dans sa performance, mais on sent qu’il manque énormément de choses dans l’écriture du personnage, comme pour son mari, le film n’a rien à nous dire dessus, si ce n’est une ou deux superficialités.


Le plus frustrant dans l’histoire, c’est qu’en-dehors du traitement désastreux de son sujet, Maestro est un film bien foutu, belle photo, beaux choix de mise en scène (surtout dans la première partie du film), après son remake de A Star is Born, il confirme qu’il a une belle patte de réalisateur, mais à quoi bon si c’est pour faire ça ? Dans son premier film, il avait là aussi un rôle principal, mais c’était le personnage de Lady Gaga qui était au centre et guidait le récit. Ici on a l’impression que son seul intérêt est de se mettre en valeur, les plans sur lui-même s’éternisent, genre un plan de dos qui dure des plombes où t’as l’impression de voir Cooper en adoration devant son propre cul. Et il ne veut pas quitter l’image, on a un moment presque cartoonesque où sa femme apprend qu’elle a un cancer, mais il trouve le moyen de foutre sa tête entre le docteur et sa femme en plein centre de l’écran pendant le diagnostic.


J’aime beaucoup Bradley Cooper d’habitude, et si j’ai l’air de m’acharner sur lui, ben c’est parce que tout est de sa faute, à partir du moment où il est acteur,producteur,scénariste,réalisateur, surtout chez Netflix où ils ne sont pas très regardants sur les productions, le naufrage lui est 100% imputable. C’est un pur ego trip dont le seul but est de se faire passer pour un grand artiste tout en chiant sur la vie et l’œuvre d’un vrai grand artiste, et c’est pathétique. Je pourrai continuer des heures à m’acharner sur ce film, mais je commence à fatiguer. J’espère vraiment que ce film ne gagnera rien et sera vite oublié, car il ne mérite rien d’autre.

KiraYagami
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le 22 déc. 2023

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