Gabin interprète le fameux commissaire pour la seconde fois, retrouvant le réalisateur Jean Delannoy après Maigret Tend Un Piège. En deux films, il endosse déjà le rôle avec une telle aura qu’on peut aisément les assimiler, Gabin-Maigret, Maigret-Gabin. Taciturne, et souvent désenchanté sur la nature humaine, il revient dans le village de son enfance, pour venir au secours d’une vieille aristocrate menacée de mort par une lettre anonyme.
La filmographie de Delannoy n’étant pas réputée pour ses exubérances, souvent raillée par les « donneurs de leçons » de la « nouvelle vague », elle ne fait certes pas de vagues…, peu d’envolées lyriques, assez académique en quelque sorte, mais contient néanmoins quelques excellents films comme un Obsession sur un script d’Antoine Blondin avec Michèle Morgan et Raf Vallone et Chiens Perdus Sans Collier, avec Gabin.
Dans l’Affaire Saint-Fiacre, son académisme d’apparence, très peu de mouvement de caméra, quasiment pas d’effets de style, à au moins l’avantage d’imprimer une sorte de naturalisme assumée afin de décrire la vie d’un village de campagne, ses habitants, son église, le café du coin, tout semble y être à sa place, et on a presque envie de donner « le bon dieu sans confession » à chacun des quidams le composant. Chaque personnage semble plus innocent que l’autre, et accentue d’autant plus la nature jamais inquisitrice mais souvent délicieusement sarcastique du commissaire qui sait prendre son temps et fait passer son sens de l’observation comme une sorte de bonhommie.
La distribution est plutôt de bonne tenue, avec notamment un Michel Auclair très à son avantage dans le rôle du hautain fils de maison et un surprenant Christian Marin, qui ne pipe quasiment mot, dans la peau d’un majordome malin qui ne s’en laisse pas compter. Tout ce beau monde usant à volo de dialogues de l’incontournable Michel Audiard dans un croustillant jeu de Cluedo parfaitement mis en image dans un long final où subitement la mise en scène de Delannoy devient plus énergique et parvient à donner à ce film des airs de « whodunit » à l’Agatha Christie. Maigret devient alors une sorte d’Hercule Poirot au château de Moulinsart.