Comme déjà dit lors de l'avis sur le roman de Simenon, le roman se démarque notablement des autres "Maigret". En effet, le commissaire revient sur les terres de son enfance en Bourbonnais où ses parents étaient les régisseurs du château de Saint-Fiacre. Une enfance heureuse marquée par une grande reconnaissance pour le comte et de la comtesse de Saint-Fiacre puisque les études qu'entreprit le jeune Maigret le furent sous leurs bons auspices. Mais ce séjour dans la passé va faire que Maigret va dénouer les fils du drame et en sortir passablement écœuré car c'est tout un édifice du passé qui s'effondre.
Bien entendu, le film respecte absolument ce contexte mais le scénario s'appuie sur une trame beaucoup plus policière que le roman avec de nombreux suspects et à la fin, "un" coupable. C'est certainement un peu plus efficace et vendeur que ce que propose le roman. Il n'empêche que le film reste une excellente adaptation du roman.
La réalisation de Delannoy est simple mais efficace pour dépeindre cette atmosphère provinciale, faussement paisible, avec une image noir et blanc impeccable. Le scénario est accompagné de dialogues d'Audiard comme d'habitude percutants et des aphorismes devenus cultes
La culpabilité d'un seul n'exclut pas la responsabilité de tout le monde.
Mais c'est surtout la distribution qui est excellente car elle donne à la fois une belle illustration, parfois un peu appuyée, des personnages du roman mais aussi une force aux seconds rôles équilibrant les personnages principaux du film.
D'abord, Jean Gabin reprend pour la deuxième fois, l'habit du commissaire après "Maigret tend un piège" du même Delannoy. Il est excellent dans le rôle du commissaire à la fois plein de nostalgie quand il retrouve la comtesse, sa haine face à la petite crapulerie qui profite de la bonté. Sa sainte colère à la fin du repas (petit spoiler) où sont rassemblés les principaux suspects est un grand moment cinématographique car il emporte définitivement l'adhésion du spectateur face à la vilenie du coupable.
L'inévitable compère de Gabin, Paul Frankeur, dans le rôle du truculent docteur plus passionné par les parties de chasse que par la médecine routinière. Audiard lui réserve quelques répliques qui vont bien ...
Michel Auclair dans le rôle du fils de la comtesse criblé de dettes et vivant sur un grand pied à Paris ou ailleurs tient bien la route. D'abord son maintien digne et son port un peu nonchalant traduisent plutôt bien l'aristocrate que la morale n'étouffe pas trop.
Valentine Tessier dans le rôle de la comtesse joue finement l'apparente vieille dame très digne qui cache bien les fractures internes du fait de l'inconduite de son fils mais aussi de la sienne.
Camille Guerini, habituel second rôle de cette époque, joue le rôle du régisseur du château et cache sous sa jovialité, une certaine âpreté au gain.
A Maigret, encore incognito, il lance "Ici, il n'y a plus rien à prendre que le train et il est à 12 h 30."
Robert Hirsch, grand homme de théâtre, compose ici un excellent rôle du secrétaire (et amant) de la comtesse. A la fois cauteleux, pas franchement innocent mais quand même nettement fripouille.
Jacques Morel dans le rôle d'un avocat, tout en rondeur, habitué des prétoires et plein de vide.
Jacques Marin dans le rôle du chauffeur de la comtesse. Marcel Pérès, encore un grand habitué des seconds rôles de cette époque, dans le rôle d'un sacristain.
Et puis, pour finir, Gabrielle Fontan dans le rôle de Marie Tatin, qui tient le bistrot - épicerie du village. Comme toujours j'aime bien cette actrice qui joue si bien ces indispensables rôles de concierge, femme de ménage ou institutrice. Sa présence discrète donne toujours un cachet supplémentaire au film.
Excellent film qui restitue bien l'atmosphère du roman de Simenon