La beauté hispanique du macabre
Multipliant et annonçant les projets sans en faire aboutir beaucoup, Guillermo del Toro n’a jamais pourtant aussi bien excellé que quand il s’attelle à des projets moins grand public. Après tout, ses chefs d’œuvre ne sont-ils pas « L’échine du diable » et « Le labyrinthe de Pan » réalisés avec moins de 20 millions d’euros chacun ? Son prochain film « Pacific Rim » avec un budget de 200 millions d’euros et des designs tout droit sortis de « Transformers » n’est-il pas plus un rêve de geek plus qu’une réelle volonté de faire du cinéma ?
Quoi qu’il en soit, en tant que producteur, s’il a quelques essais manqués dont le détestable « Splice », il n’empêche qu’il aura redonné depuis les années 2000 au cinéma fantastique espagnol toute sa verve d’antan. « L’Orphelinat » de Juan Antonio Bayona avait été une sacrée surprise portée par l’incroyable Bélen Rueda. Cette année, le voici donc de retour avec l’Argentin Andres Muschietti pour porter au cinéma le court-métrage de ce dernier : « Mama ».
Moult fois primé à Gérardmer, « Mama » raconte l’histoire de deux jeunes filles, Victoria et Lily, portées disparues depuis la disparition de leurs parents. Retrouvées cinq ans plus tard dans une cabane au milieu de la forêt grâce aux efforts de leur oncle Lucas et de sa petite-amie Annabel, les deux filles vont devoir réapprendre à vivre chez leur oncle non sans qu’une ombre (protectrice ou maléfique ?) les suive.
Porté par la sublime Jessica Chastain utilisée dans un rôle à contre-emploi de rockeuse tatouée, le Kingslayer euh… le Danois Nikolaj Coster-Waldau très convaincant et surtout la jeune Megan Charpentier, « Mama » joue habilement entre le drame et l’horreur/épouvante. Après une introduction frémissante, la montée en tension est progressive, sans aucun temps mort, jusqu’à ce final inattendu et dramatique.
Avec une photographie magnifiquement glauque et des effets spéciaux très réussis, Andres Muschietti signe un premier film très convaincant. L’Argentin a déjà tout compris des mécanismes de l’horreur avec ces plans-séquences de course-poursuite entre fantôme et êtres humains sublimés par des jeux de lumière et de sons (battements du cœur). S’il ne révolutionne pas le genre, il vient poser une nouvelle et jolie pierre à l’immense édifice du cinéma fantastico-horrifique espagnol, celui qui fait de la beauté poétique du macabre sa plus éclatante manifestation.