Manu Trappet est un marginal, un ancien coiffeur qui a perdu de sa superbe, si jamais il en a possédé. Il apprend un jour qu’il est atteint d’une maladie auto-immune, une pathologie rare et pour laquelle il n’y a pas de remède. Causée par le sniffage de bombes de laques sur son ancien lieu de travail.


Il décide alors de passer ses derniers jours à aller retrouver le fils qu’il a abandonné à la naissance, même si son esprit embrumé aura bien du mal à suivre ce but. Dans son périple, il embarque JB JB, quinquagénaire garagiste qui a raté son suicide, un employé consciencieux mais empêtré dans sa relation avec sa mère qui l’emploie dans la station-service mais voudrait le virer pour le remplacer par un petit jeune, pour l’image de la marque.


Mais après avoir volé une voiture pour aller rejoindre ce fils, ils se rendent compte d’une incongrue présence dans le coffre arrière : une gigantesque mouche aveugle, une belle bête un peu placide. Manu et JB décident alors d’adopter la mouche et de la dresser, pour l’offrir à ce fils perdu de vue.


Depuis son premier film, Bernie le pneu tueur, on ne peut que constater devant chaque nouveau film d’Albert Dupieux un resserrage vers une approche cinématographique moins subversive, mais toujours en décalage avec une production hexagonale qui tourne autour de son nombril, fort charmant sous le bel angle au demeurant. Une direction confirmée par 9 mois fermes au poste ! ou Au-Revoir le Daim. La surprise punk est moins de taille, le scénariste et réalisateur emprunte des chemins balisés, mais sans les parcourir comme les autres.


Avec son histoire décalée avec cet homme qui va mourir mais veut rencontrer sa progéniture, cet autre qui veut qu’on le laisse mourir et cette mouche qui veut faire bzzz bzzz (en résumant), Quentin Dupontel convoque une certaine image du cinéma, entre le larmo’ un peu plombant mais qui fait récolter quelques statuettes aux Césars et une histoire molle et folle qui ne semble pas savoir où elle va. Un emprunt possible aux films de stoner, ces films à consommer (et apprécier) avec le joint à la main, dont le duo principal, pas très dégourdi, à côté de la plaque, est un classique du genre.


La photographie ensoleillée, aux couleurs vives et délavées, le rappelle. Mais celle-ci côtoie aussi celle d’autres scènes plus sombres, qui rappelle une des marottes du réalisateur, l’enfermement de l’humain dans des systèmes, l’administration, le monde du travail ou ce que doit être une relation familiale ou amoureuse avec une mouche. L’humour peut être grinçant, il peut aussi se faire absurde et décontracté, grâce à son trio de personnage emmêlé dans une histoire qui les dépasse. Manu et JB sont des hommes avec un appétit de vivre contrarié, qui se cognent contre d’autres représentants de la société humaine qui les jugent. Ces chocs et le décalage crée occasionne bien des sourires.


Adieu les mandibules témoigne de l’évolution du parcours d’un homme de cinéma intègre, accusateur mais aussi je-m’en-foutisme, qui manie l’ironie avec un talent rare. D’autant plus dans un paysage cinématographique français où la comédie confond humour et morale, un peu trop obsédé par les sujets communautaires. Et même si Albin Dupontieux semble délaisser son mordant absurde pour un film plus terre-à-terre, au risque d’être larmoyant, sa mouche (une récompense aux Césars bien méritée) démontre qu’il suffit d’un vol d’aile pour prendre de la hauteur.

SimplySmackkk
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le 8 juin 2021

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