Putain de merde, il va falloir que je mette de l'ordre dans mes idées par ce que là, c'est du très, très lourd. Je vais beaucoup parler à la première personne parce que ce film est très important pour moi, en fait on pourrait même dire qu'il a été méticuleusement préparé pour me plaire.
La première fois que j'ai vu Mandy, je connaissais déjà le réal, Panos Cosmatos, pour avoir vu son seul autre film, Beyond the Black Rainbow. Ce dernier aussi était fait sur mesure pour m'enjailler un maximum car, à part le manque de budget et un acteur principal pas super charismatique, la bandaison était atteinte. Une proposition visuelle détonante au rythme lancinant mais surtout dotée d'une BO orgasmique faites de nappes de synthés bien enveloppants. Inutile de dire que j'attendais son prochain opus avec impatience, et quand j'ai appris que Nicolas Fucking Cage himself allait être de la partie, j'avais déjà une demi-molle. Dès le premier visionnage j'ai su qu'il m'en faudrait au moins un autre pour en saisir toute la substance, tant il y a des choses à digérer. Au moment où j'écris ces lignes je viens de voir le film pour la cinquième fois et j'ai même poussé le vice jusqu'à me le projeter au cinéma où je travaille. Mon enthousiasme est décuplé à chaque visionnage, et je m'en vais essayer de vous expliquer calmement pourquoi il vient de rentrer dans mon top 10.
(Spoilers, évidemment)
J'ai toujours eu une fascination pour cet acteur mal aimé et complètement excentrique, capable du pire comme du meilleur. Au moins avec lui on ne s'ennuie jamais, et c'est un des rares acteurs que j'ai toujours plaisir à voir, quel que soit le film où il joue.
Vous connaissez ce genre de film où on se dit que le scénario a été écrit spécifiquement pour un acteur en particulier ? Je suis persuadé que c'est le cas ici tant je ne vois personne d'autre que Nic Furie, l'homme en Cage pour jouer un truc pareil. Je persiste à penser qu'il s'agit d'une de ses meilleures performances, notamment grâce à la scène de la salle de bain. Il peut s'en donner à cœur joie dans ce bordel ambiant.
(Il s'avère que je me suis un peu trop emballé à l'écriture de cette critique, et j'ai appris depuis que Cosmatos avait d'abord approché Cage pour jouer le gourou mais que ce dernier trouvait le rôle principal plus intéressant. Mais ça ne change rien au fait que personne d'autre n'aurait pu jouer ce rôle de cette façon)
Je l'ai personnellement découverte dans Birdman et ai été instantanément frappé par son talent d'actrice et sa beauté envoûtante. Elle joue ici le rôle-titre, balafrée et affublée d'une pupille constamment dilatée, ce qui n'enlève rien à sa prestance et rajoute au contraire une dose d'intrigante étrangeté. Elle porte sur ses épaules la réussite du film et s'en sort à merveille, son couple avec Nicolas Cage est très crédible.
Cosmatos à l'air d'apprécier les acteurs avec des gueules particulières parce qu'on a droit à une belle galerie. Même ceux qui n'apparaissent que pour une scène, comme Richard Brake et Bill Duke, ont une prestance immédiate et on regrette presque de ne pas passer plus de temps avec eux. La secte de hippies drogués est également une réussite, et on sent que Linus Roache, qui incarne le gourou, s'en donne à cœur joie.
J'adore ce mec, et si j'avais de la thune je lui financerai tous les films qu'il veut tant il a une vision déjantée. Après Beyond the Black Rainbow et son inspiration évidente du Cronenberg des débuts, Cosmatos part dans une direction plus personnelle tout en gardant la patine du film précédent, avec beaucoup de grain et des plans très colorés. Il a un sens aigu de la mise en scène, en sachant placer des plans percutants quand il le faut et ralentir la cadence si besoin. Je ne saurais même pas dire quel est mon moment préféré du film tant la plupart des scènes me scotche.
Ce film est complétement fou. Pas étonnant qu'il ait mis 7 ans pour pouvoir le faire, le truc part dans tous les sens. Ca commence comme un drame romantique, puis ça se transforme en home invasion avant de bifurquer vers un revenge movie sous acide dans la dernière partie. Et le tout en restant cohérent, sur fond de fanatisme et d'heroic fantasy. Car on peut voir le tout comme une histoire de chevalier voulant venger sa belle, après tout Cage se forge bien une hache de guerre (merci Panos d'avoir fait en sorte que cette scène existe), et il y a aussi toutes les références à des objets sacrés qui ressemblent à des reliques de DnD...
J'ai découvert ce talentueux compositeur devant Premier Contact qui m'avait aussi bien scotché. Il semblait avoir toute sa carrière devant lui mais il nous a malheureusement quittés peu après la sortie de Mandy. Sa BO est sublime et revêt ainsi une teinte bien plus poignante quand on sait que c'est l'une de ses dernières... Il passe sans broncher de l'ambient à la synthwave, tout en jonglant avec des guitares acoustiques et même un crochet vers du doom drone expérimental ou je ne sais quoi, toujours est-il que ça défonce. Tantôt discrète, tantôt grandiloquente, sa musique se marie merveilleusement bien avec les vision conjurées par Cosmatos. Le Love Theme est d'une beauté indescriptible, je pourrai l'écouter des heures sans me lasser. Je ne peux que regretter sa mort prématurée, qui sait quels autres chefs d'œuvre il nous aurait pondu par la suite ?
Voilà, vous prenez tous ces éléments, vous les mixez ensemble et vous dégustez. Vous pouvez rajouter un peu de psychotropes par-dessus pour pimenter le tout et ajouter à l'expérience, c'est même recommandé.
C'est fou quand même à quoi ça tient le cinéma parfois. Il suffit d'un Nicolas Cage qui enchaîne des démon à coup de hache ou qui s'allume une clope avec la tête d'un démon en feu pour que je me réveille. J'ai attendu ce film toute ma vie, c'est à la fois complètement con et ultra poignant mais c'est ce genre de proposition que j'ai envie de voir, quelque chose qui n'a pas l'air ultra formaté et qui s'en fout de la logique.