D'abord, saluons « Marguerite de la nuit » pour ce qu'il est : un film fantastique français ambitieux et abouti à bien des égards, ce qui la rend éminemment fréquentable et respectable. Ne serait-ce que d'avoir transposé les personnages imaginés par Goethe dans le Paris des Années folles montre l'audace de la démarche, la capitale devenant une sorte de théâtre aux couleurs rococo souvent délirantes, le travail sur les décors s'avérant stupéfiant si l'on aime ce genre d'esthétique très appuyée. Tout en gardant ainsi l'esprit brillant et tragique qui caractérisait la pièce, Claude Autant-Lara tente beaucoup de choses, dont certaines très réussies.
Plusieurs seconds rôles notamment, donnant à l'œuvre une mélancolie et une tristesse lui donnant quelque chose de magnifique. De plus, certains enjeux scénaristiques sont passionnants, offrant parfois au film une force presque insoupçonnée. Enfin, difficile de ne pas être stupéfait par la classe indescriptible de Michèle Morgan, notamment dans un dernier tiers où elle s'avère profondément émouvante. Dommage alors que l'œuvre souffre de trois problèmes majeurs : l'interprétation de Jean-François Calvé, tellement médiocre qu'on n'imagine pas une seconde une femme pouvoir entretenir une passion aussi forte pour lui (surtout en si peu de temps). A sa décharge, il faut dire aussi que son personnage est à la base plutôt antipathique, rendant encore moins crédible cette histoire d'amour ayant décidément du plomb dans l'aile.
Enfin, alors que Faust est un adorable vieillard avant de vendre son âme au Diable, le voilà donc transformé en playboy presque insupportable, alors que la relation entre les deux héros devaient être l'essence même du récit, son point central. Malgré tout, il n'est vraiment pas interdit de jeter un coup d'œil à « Marguerite de la nuit », car si la frustration est réelle, l'entreprise reste suffisamment séduisante, originale et surprenante pour que l'on y trouve une certaine plénitude, notamment à travers un dénouement du plus bel effet.