Le mythe de Faust, Murnau l'avait déjà adapté magistralement, René Clair n'était pas en reste avec La Beauté du diable, donc pourquoi pas Claude Autant-Lara, à partir du roman éponyme de Pierre Mac Orlan (que je n'ai point lu, donc je n'en dirai rien !), plaçant l'ensemble dans des années 1920 expressionnistes, où les sbires du diable sont des gangsters, avec des décors ostensiblement de studio, donnant ainsi un intelligent parti-pris de mise en scène, car cela renforce l'étrangeté fantastique de l'histoire.
Le début est très enthousiasmant. Pierre Palau (pour l'anecdote non dénuée d'ironie, celui-ci avait joué magistralement, dans toute sa bonhomie fourbe, le Malin dans La Main du diable, sorti douze ans auparavant !) est excellent dans la peau du très vieux professeur Faust. Michèle Morgan fait bien le boulot quant à elle. Yves Montand est renversant de prestance en Méphisto.
Et évidemment, le vieux professeur, pourtant apparu bien sage et philosophe sur son âge, se laisse tenter par un petit pacte. C'est à partir de là que tout ce qui promettait de faire un très bon film, une transposition aussi surprenante et ambitieuse qu'efficace, s'effondre.
Même en partant du principe que dans un grand moment de faiblesse, le vieux professeur, si sage et si philosophe, se laisse tenter par un retour à la jeunesse, il n'est pas crédible du tout qu'il passe d'un coup d'un vieillard réfléchi (habituellement !), poli et avec de l'empathie à un petit con arrogant, égoïste et brutal. Déjà ça, ça m'a sorti du film.
En rien arrangé qu'on passe d'un Pierre Palau, n'ayant aucun mal à s'imposer, à un Jean-François Calvé, d'une absence de charisme effroyable. Il suffit de le voir face à Yves Montand pour que ce dernier le pulvérise à ce niveau-là, c'est un massacre.
À cause de tout cela et malgré le talent de la comédienne de Quai des brumes, on ne croit pas un seul instant à l'histoire d'amour (même si elle est causée par un sort maléfique !) .
Marguerite de la nuit ou comment à cause d'une grosse maladresse scénaristique et d'une erreur de distribution calamiteuse, on passe à côté d'un potentiel très bon film.