Maria
5.9
Maria

Film de Jessica Palud (2024)

Elle s'appelait Maria Schneider...

Fille du cinéaste Hervé Palud (Les Frères Pétard, Un Indien Dans La Ville…), Jessica Palud débute à l'âge de 20 ans dans le métier du cinéma en effectuant un stage durant le tournage de Innocents de… Bernardo Bertolucci. Prenant conscience du violent sexisme que le réalisateur impose sur son plateau, elle s'interroge déjà sur ce qui a réellement bien pu se passer sur Le Dernier Tango À Paris.

En 2018, suite à la sortie du livre Tu T'Appelais Maria Schneider, rédigé par la cousine germaine de la célèbre comédienne et édité par Grasset, Jessica Palud reste totalement bouleversée par le récit et décide d'adapter le bouquin sous forme de scénario et d'en faire son second long-métrage.

La rencontre avec Annamaria Vartolomei, lauréate du César de la meilleure révélation féminine en 2022 pour son rôle dans L'Évènement, concrétise le projet qui se voit sélectionné au Festival de Cannes 2024 dans la catégorie Cannes Première. Et si le féminisme n'a jamais été aussi présent à l'écran qu'actuellement suite au mouvement #Metoo, la souffrance et la déchéance endurées par certaines artistes n'avaient jamais été aussi intenses depuis le Camille Claudel de Bruno Nuytten avec Isabelle Adjani dans le rôle-titre. Et en ce sens, Anamaria Vartolomei égale amplement ici certaines performances de la mythique comédienne révélée par Claude Pinoteau en 1974.

C'est aux côtés d'Isabelle Huppert dans le perturbant My Little Princess, réalisé par Eva Ionesco en 2010, qu'apparaît pour la première fois à l'écran la très jeune Anamaria, alors âgée de 11 ans. Outrancièrement sexualisée par sa propre mère photographe lorsqu'elle était enfant, Eva Ionesco raconte ici son parcours et offre à Anamaria de relever le difficile pari à incarner cette enfant lascivement fantasmée par des hommes aux quatre coins du globe au nom de l'Art. Un personnage fort et scandaleusement inoubliable qu'Anamaria va immortaliser via une détresse inattendue du haut de son jeune âge.

Il en est de même, 14 ans plus tard, lorsqu'elle campe Maria Schneider, cette (trop) jeune actrice psychologiquement et physiquement violentée par Bernardo Bertolucci et Marlon Brando lors d'une brutale scène sexuelle durant le tournage du Dernier Tango À Paris. Une situation qui poussera la jeune comédienne dans une forme de grave dépression qui l'amènera à se shooter à l'héroïne durant de longues années. Une expérience ultra violente que Jessica Palud ingurgite pour la recracher à la face de ses spectateurs. Quitte, parfois, à se complaire dans une forme de voyeurisme qui reste néanmoins pertinente ou, au contraire, à jouer avec les fondus au noir, tel un voile pudique qui occulte la véhémence du propos et les émotions endurées par le personnage. Un protagoniste auquel Anamaria Vartolomei prend littéralement possession, symbole féminin de la violence sur les plateaux de cinéma, hantant de chaque plan l'atmosphère d'un film qui lui laisse, techniquement, toute la place pour s'exprimer. Car d'une manière factuelle, Jessica Palud opte pour une réalisation très simple, voire presque effacée, pour mieux mettre en avant le jeu de sa comédienne aussi éblouissante qu'incarnée.

Véritable film d'auteur en lieu et place d'un simple biopic, Maria dévaste tout sur son passage, nous replongeant mécaniquement dans les récentes affaires médiatisées par Charlotte Arnould, Judith Godrèche et tant d'autres.

Plus qu'un film, Maria est une œuvre d'utilité publique à une heure où la toute-puissance des sacro-saints cinéastes sur les plateaux tend enfin à être remise en cause. Mais c'est également un magistral portrait de femme sublimement incarné par une incontestable future star internationale qui vient, par ailleurs, d'achever le tournage du prochain film de Bong Joon-ho à paraître sur les écrans en 2025.

candygirl_
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