L’idée de raconter l’histoire de Maria Schneider en 2024 à travers un long métrage est un exercice d’apparence nécessaire mais aussi absolument périlleux. De fait l’adaptation d’un matériau aussi riche que l’ouvrage « Elle s’appelait Maria Schneider », de Vanessa Schneider, coule de source dans le monde actuel post, ou plutôt contemporain à #metoo. Un tournage qui sera le tournant noir de la vie d’une jeune femme qui se rêvait actrice, par la faute d’un réalisateur pervers et d’une gloire déchue voulant renouer avec une forme de succès. Deux hommes qui ont tout bonnement violé, selon les mots de Maria, cette jeune actrice dans le but d’obtenir la scène parfaite. Une scène filmée donc par Bernardo Bertolucci, qui fera de cette agression sexuelle le point central de la postérité de son film sulfureux qui lui vaudra censures et procès.
Seulement, le seul procès qui aura lieu, et qui durera de très nombreuses années, c’est celui de Maria Schneider. Elle avait 19 ans lors du tournage de ce film. Et à partir de ce moment, la vie de Maria n’aura plus la saveur du rêve. Elle qui venait de retrouver son père, l’acteur Daniel Gélin (joué par Yvan Attal dans le film) et qui est lui aussi un produit de cette époque. Sa mère n’est plus vraiment là pour elle et Maria Schneider va sombrer dans la drogue. Entre une carrière résumée au Tango et une vie personnelle chaotique, elle ne deviendra jamais l’actrice qu’elle aurait pu devenir ni le symbole qu’elle aurait dû devenir. Personne ne voulait l’entendre lorsqu’elle voulait mettre en lumière ce qu’il lui était arrivé. Bien qu’elle ait entretenu une relation épistolaire avec Brando pendant des années après la sortie du film, Maria voulait que l’on sache ce qu’elle avait subi, mais les gens préféraient accuser la jeune femme de l’histoire et projeter tout le dégout pour le film sur sa seule personne.
Malheureusement, Jessica Palud n’a qu’une heure quarante-deux pour nous raconter cette histoire. Et bien que chaque comédien donne absolument tout pour faire vivre cette histoire, la narration empilée empêche la pleine résonnance du récit. Les moments importants de sa vie sont racontés les uns à la suite des autres sans réelle analyse ou mise en contexte global (le personnage de sa mère qui disparait du film sans explication). La scène d’agression est montrée presque telle qu’elle est filmée dans Le dernier tango à Paris, ce qui n’apporte finalement que très peu de hauteur sur la puissance de ce qu’il se joue à ce moment-là. De même que c’est lors d’une scène de prise de drogue que Maria va décrire un moment ou des hommes en passant à côté d’elle ont fait une blague de très mauvais goût, mais cette scène que l’ont imagine s’évapore si elle ne nous est pas montrée.
Le film passe donc à côté de son sujet. Le respect apparent de Palud pour l’actrice Maria Schneider (ainsi qu’un manque de moyen) l’empêche d’approfondir l’horreur traversé par cette femme que personne ne voulait écouter. Anamaria Vartolomei est pourtant tellement crédible dans le rôle qu’on aurait aimé voir le film peut être poussé la symbolisation de Maria. Une scène ou elle tente d’arrêté une voiture dans la nuit, éclairé par les phares, qui refuse de s’arrêter, est le seul moment de mise en scène tentant de raconter vraiment ce qu’était Maria Schneider, une actrice détruite, qui a tenté de raconter son histoire pour éviter que d’autres soient à leurs tour détruites. Maria Schneider, un symbole tardif en avance sur son temps.
PS : regarder le court métrage présenté à Cannes en 2022 « Maria Schneider, 1983 » d’Elisabeth Subrin.