Mary Magdalene (Garth Davis, U.S.A, 2018)

En 591, le pape Grégoire le Grand, un grand homme, prit la décision de donner une nouvelle interprétation de Marie Madeleine, la femme la plus présente des Évangiles, sans doute la compagne historique de Jésus, et la première à l’avoir vue après sa résurrection. Mais ça ne lui plaisait pas trop au père Grégoire, donc du haut de son pouvoir suprême il décida d’interpréter les écrits comme il le voulait, et fît de la pauvre Marie Madeleine la première prostipute de l’Histoire, une souillonne égarée, possédée, et remise dans le droit chemin par l’homme, le vrai, celui avec de la barbe et une Sainte-Croix entre les jambes.
Puis en 2016, se souvenant que le monde avançait, que les sociétés s’étaient modernisées, et que les femmes étaient de moins en moins prises pour des connes, le Vatican fît marche arrière. À l’initiative du pape Francis l’Argentin, Marie Madeleine fût reconnue comme l’apôtre des apôtres, du fait de son rôle significatif au sein des Évangiles, et dissociée d’un autre personnage, la fameuse prostituée à laquelle elle avait été assimilée jusqu’à présent. Un pas en avant donc, de la part d’une institution vieille de 2000 ans, persuadée que son messie ne devrait plus tarder à débarquer. N’ayant plus donné signe de vie depuis environs l’an 29…
C’est sur cette nouvelle vision des choses que le métrage de Gareth Davis se penche, faisant de Marie Madeleine son personnage principale. Une manière originale d’aborder les derniers instants de la vie de Jésus d’un point de vue féminin. Une démarche légèrement en avance sur son temps, puisque le film est réalisé avant le #metoo.
Pour l’anecdote un peu cocasse, il s’agit d’une production Weinstein. Mais au moment où le film dû sortir, l’affaire a éclaté. Du fait, les créateurs du film ont galéré à trouver un nouveau distributeur, et au final il est un peu sorti dans l’indifférence générale. L’ironie veut que le récit global de l’œuvre véhicule une attaque assez marquée contre le patriarcat, et l’infantilisation des femmes, par des hommes garants de l’autorités. Sic !
Formidablement incarnée par Rooney Mara, Marie Madeleine apparaît comme une figure féminine forte, refusant de se plier à une autorité millénaire sans réels fondements. Dans une formidable expression du ‘’On fait comme ça, parce qu’on a toujours fait comme ça !’’, ou le meilleur moyen de laisser une société évoluer… En personnage rebelle, elle ne reste pas insensible à la présence d’un illuminé de passage, un barbu qui repend un message universel, qu’elle souhaite embrasser.
Sur un ton très premier degré, le métrage sème le doute sur la nature mystique de Jésus. Responsable de quelques miracles devant témoins, il n’est jamais vraiment explicité s’il se rend réellement responsable de ces miracles, ou si c’est une forme d’hallu’ collective, liée à l’aveuglement par le charisme de ce type qui les convaincs que tout est possible. Sans internet pour vérifier ses dires, les apôtres placent donc leur confiance en lui.
Étant la plus proche du prophète, Marie Madeleine souhaite rependre sa parole, non pas par la violence, mais par l’amour et la paix. Comme une Miss France. Opposée en cela aux autres apôtres, qui eux sont prêts à lever les armes et à faire la bagarre, pour imposer le nouveau message divin, et la nouvelle religion à suivre, pour tout le monde. Ce n’est ainsi pas un hasard si c’est à Marie Madeleine qu’apparaît en premier Jésus lors de sa résurrection…
Mais une fois de plus, apparaît-il vraiment ? Où est-ce une interprétation de son esprit ? Comme les apôtres refusent de la croire, et que personne ne va vérifier ses dires, il en est à l‘interprétation de chacun, de prendre cette scène comme il l’entend. Et au film de ne rien révéler.
Avec sa réalisation trop classique, sans audace et sans vraiment d’âme, plutôt froide et au rythme parfois décousu, calé sur les grandes lignes de l’itinéraire de Jésus, ‘’Mary Magdalena’’ peine à maintenir la linéarité de sa narration, et la cohérence de son propos. La faute en vient au réalisateur qui semble bien trop happé par le magnétisme de l’interprétation de Joaquin Phoenix (qui ironiquement se revendique comme un fervent athéiste).
À partir du moment où le Christ entre dans le récit, il en devient le personnage principal, et Marie Madeleine est reléguée au second plan. Une démarche des plus ironique, puisque l’œuvre se présente comme une inclinaison féministe. Une faute de goût comme un rappel aux absurdités du pouvoir masculin, et son emprise sur le dogme chrétien hérité des premiers apôtres. À l’origine des valeurs et traditions de notre civilisation judéo-chrétienne.
Toujours dans sa poursuite d’interprétation de la folie, Joaquin Phoenix campe un Jésus mystique, charismatique en diable, doté d’une pouvoir de séduction, un manipulateur hors norme entouré d’une aura emplit de doutes et de mystères. Ses miracles, interprétés comme tel par ses disciples, et quelques témoins, sont la résultante d’un endoctrinement par les messages de ce Raël de l’an 0.
Présenté comme un dangereux marxiste casse-couille, qui vient foutre le boxon dans une société romaine qui fonctionne tant bien que mal, il souhaite imposer UNE religion, avec UN Dieu, et que TOUT le monde suive LE même mouvement, dans UN ensemble collectif où l’individualisme n’existe pas. Les premiers chrétiens apparaissent ainsi comme des fauteurs de troubles. Un point de vue qui n’est pas sans rappeler ces mots de Voltaire dans son ‘’Traité sur la Tolérance’’ :


_’’ Il n’est pas croyable que jamais il n’y eut une inquisition contre les chrétiens sous les empereurs, c’est-à-dire qu’on soit venu chez eux les interroger sur leurs croyances. On ne trouva jamais sur cet article ni Juif, ni Syrien, ni Égyptien, ni bardes, ni druides, ni philosophes. Les martyrs furent donc ceux qui s’’élevèrent contre les faux dieux. C’était une chose très sage, très pieuse de n’y pas croire ; mais enfin si, non contents violemment contre le culte reçu, quelque absurde qu’il pût être, on est forcé d’avouer qu’eux-mêmes étaient intolérants.’’
(Folio 2 balles, p. 52)


Ainsi, sous couvert de son doux message, Jésus ne souhaite au fond qu’imposer sa vision propre des choses. Alimentée par son hypothétique père, le Divin. À sa mort, n’ayant pas élu de successeur, ni de marche à suivre, les apôtres sont prêts à se castagner avec l’ordre établi si c’est nécessaire. Et aller pour cela à l’encontre du message de paix emplit de spiritualité, de leur défunt leader.
Alors qu’ils en viennent à se disputer l’héritage, par le biais d’un bon gros ‘’fuck’’ général envoyé à l’intention des apôtres, qui refusent de croire qu’elle a vu Jésus ressuscité, Marie Madeleine les renvois à leur aveuglement imbécile, persuadée que c’est le message qu’elle portera aux peuples qui sera entendu. Mais l’Histoire, cette sale race, lui prouvera le contraire.
Malgré sa reconstitution authentique de la Galilée d’époque, et des personnages bien écrits et passionnants à suivre, ‘’Mary Magdalena’’ n’est pourtant pas spécialement un bon film. S’il demeure plaisant, il manque cruellement d’enjeu, n’osant jamais prendre clairement position, en se reposant un peu trop sur l’idée que ce sera au spectateur de se faire une idée.
Du fait il ne propose jamais rien de bien tranché, et se trompe même un peu de sujet par moment. Se fourvoyant dans une représentation captivée de Jésus, oubliant sont propos sur Marie Madeleine. Un peu à côté de la plaque, il vaut toutefois pour une interprétation actualisée des écrits religieux, et une véritable volonté de présenter un point de vue réaliste, presque historique, d’évènements ayant donné lieu à la plus grande supercherie de l’histoire de l’Humanité. Une vaste blague qui dure maintenant depuis plus de 2000 ans. Hallelujah !


-Stork._

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le 4 mars 2020

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