Même le retour aux commandes d'au moins une des instigatrices d'origine du projet Matrix ne suffit pas à se départir d'un problème de taille : le troisième film avait bouclé la boucle et rien ne justifiait l'existence d'un quatrième. Le pire, c'est que Lana Wachowski elle-même semble en avoir conscience et se gausser de la pertinence du projet pendant tout son premier quart ; belle mise en abyme pour confesser implicitement que face aux actionnaires de la Warner, la seule solution reste de baisser sa ceinture et de bien écarter les fesses.
Pourtant, Star Wars 7 aurait dû nous mettre la puce à l'oreille : pourquoi se fatiguer à pondre des scénarios originaux et tenter des prises de risque, quand le spectateur moyen peut se contenter de fan service savamment glissé dans un remake à peine déguisé ? C'est un travers dans lequel Matrix Resurrections s'est payé le luxe de tomber. Lana a beau revendiquer quelques éléments scénaristiques en continuité avec la trilogie, on reste dans une pure redite de parcours initiatique qui ne peut même pas se targuer d'originalité. Perte de substance pour Neo, Morpheus et Trinity, métamorphosés en reflets vides de leurs propres personnages, agrémentée de nouveaux personnages clichés jusqu'aux globes oculaires, faussement jeunes et rebelles pour un capital sympathie plus déprimant qu'autre chose.
Le pire est que l'on ressent malgré tout un attachement sur le long terme de Lana pour son bébé prodige, mais même pas pour les bonnes raisons. Matrix Resurrections assume en fait son consensualisme jusqu'à son langage visuel, qui là encore calque sans vergogne les plans les plus iconiques de ce que l'on peut appeler son matériau d'origine. Que ce soit au niveau du bullet time, de la magistrale contre-plongée sur l'hélicoptère, ou même de minuscules détails comme les piliers en béton qui se brisent sous les coups de l'agent Smith. Et que dire d'un remix à gerber de Rage Against the Machine pour le générique de fin... Comment peut-on en arriver à décalquer des détails aussi insignifiants pour justifier son story-board ?
Le retour aux sources est un prétexte bien mince ; vouloir rester fidèle à l'origine d'un mythe n'exclut pas de prendre des libertés ou de l'enrichir. Tout ce qu'a oublié de faire Lana en tournant Matrix Resurrections : lui insuffler une âme, une substance qui en ferait plus qu'un quatrième Matrix. Ça valait bien le coup de ressusciter une franchise aussi mythique, si c'était pour la refaire mourir aussitôt...