En 1999, Lilly et Lana Wachowski avaient provoqué un séisme avec le premier Matrix, film mash-up dans lequel se mélangeaient pêle-mêle le film noir des années 40, le cyberpunk, le cinéma d’action hong-kongais, l’animation japonaise, Alice aux pays des merveilles et Baudrillard tout en accompagnant la démocratisation d’Internet et de sa glose.
Les suites avaient quelque peu perdu une partie du public mais restaient quoi qu’il en soit des films à la puissance visuelle impressionnante tout en donnant une conclusion à la saga. La suite de la carrière des sœurs n’a été qu’incompréhension avec le public. Du chef d’œuvre « Speed Racer » au très beau « Cloud Atlas » en passant par le très raté « Jupiter Ascending » toutes leurs propositions ont été boudées par le public.
De retour au cinéma après l’escapade sérielle sur Netflix (Sense8) et seule à la barre Lana Wachowski propose avec ce Matrix Resurrections une revisite de la trilogie originelle à la sauce meta. Si l’idée de ce dialogue entre cette nouvelle version et la trilogie promet des étincelles sur le papier, mais aussi les 25 premières minutes qui paraphrasent l’introduction du premier opus tout en mettant des personnages en position de spectateurs, le soufflé s’effondre malheureusement très rapidement. Ainsi, l’auto-citation jusqu’à la lie ne fait que parasiter le déroulement du récit et devient un vain exercice nostalgique.
Les obsessions thématiques des sœurs Wachowski sont pourtant bien présentes et on retrouve cette idée de renverser un système en le prenant de vitesse. Cette idée offre à ce titre les seules scènes fonctionnelles dans le dernier tiers du film, des scènes d’hyper-ralenti avec le personnage de l’analyste en mouvement. Mais le film patine à force de marteler son discours meta se moquant des différentes gloses autour du film tout en cherchant la connivence en se gaussant des producteurs et de la Warner qui réclament des suites et des reboots.
De fait, le film n’est qu’un martèlement d’idées et de concepts passant par des dialogues indigents très loin de la puissance évocatrice des mises en scène du premier, de « Speed Racer » et « Cloud Atlas ». Le long-métrage bascule alors dans une normalité mortifère dans laquelle même les scènes d’actions, sur-découpées, sont normalisées et ressemblent à n’importe quel blockbuster interchangeable.
Reste l’impression que les Wachowski ont voulu casser leur jouet tout en soldant leurs comptes avec le public en lui offrant ce qu’il veut voir, un Matrix nostalgique, dévitalisé.
Marvelisé.
C’est finalement ça le pire. Voir des artistes comme les Wachowski se normaliser.