Après « Spiderman 8 » (ba oui, techniquement c'est exactement ça), « Matrix 4 » ! Autant dire que comme depuis longtemps, Hollywood ne croule pas sous l'audace et l'originalité en cette fin d'année 2021. Cela écrit, s'il faut reconnaître une qualité à ces deux films, c'est d'avoir essayé de renouveler leur saga respective en proposant un schéma narratif différent de ce qui avait été proposé jusqu'alors.
Neo et ses collègues parviennent même à donner du sens à ce dernier volet intervenant presque vingt ans plus tard, notamment à travers cette dimension méta totalement assumée, offrant quelques moments aussi drôles que savoureux, comme si Lana Wachowski entamait sa propre psychanalyse en offrant un univers parallèle souvent pertinent et pas mal de réflexions faisant leur effet, notamment en ayant intégré l'évolution du monde (et notamment informatique) durant ces deux décennies.
Une distance est ainsi prise avec la trilogie, avec tout ce que celle-ci a pu apporter à sa sortie tout en restant lucide sur ce que reste « Matrix » pour l'immense majorité des gens l'ayant vu. Le truc, c'est que tous ces aspects sont presque présents exclusivement dans le premier tiers. Hormis quelques piqûres (pilules?) de rappel, on sent qu'il faut ensuite donner au public « lambda » ce qu'il attend, à savoir de l'action, des combats, des effets spéciaux dernier cri et des décors à couper le souffle.
Hélas, non seulement on était en droit d'attendre (beaucoup) plus au vu des excellentes dispositions prises au départ, mais surtout, l'œuvre ne convainc qu'à moitié dans ces domaines. Les décors sont beaux, imposants, certes, mais pas plus qu'ils ne l'étaient précédemment, voire un peu moins grandioses. Si les quelques combats tiennent la route, rien de très novateur non plus, si ce n'est peut-être l'élégant affrontement
Neo-Morpheus.
Quant à l'action, j'étais parfois limite épuisé devant ce « pétaradage » presque non-stop dans la dernière ligne droite, où je retiendrais avant tout la poursuite en moto, faisant le même constat pour les effets spéciaux, très pros sans apporter quoi que ce soit à la saga. Alors on pourrait se dire : « justement, la trilogie était allée tellement loin dans le domaine que l'on a cherché à revenir à quelque chose de plus modeste, moins pompeux », mais vu le budget, je n'y crois pas.
Je pense surtout qu'on a cherché à faire du fan service sans valeur ajoutée, et pour une œuvre prenant pas mal de hauteur sur ce qu'elle a pu proposer précédemment, se contenter de reprendre les codes de façon aussi standard, voire lambda, je trouve ça dommage. De ce point de vue, le film déçoit. Clairement.
Heureusement, il y a, de-ci de-là, une phrase, une remarque
(notamment autour de cette notion d' « Élu(e)s »,
une scène permettant de renouer, même discrètement, avec ce qui avait pu être proposé au départ. Mais « Matrix Resurrections » est peut-être aussi l'occasion d'observer notre propre évolution : moi qui avait, comme tout le monde, été avant tout marqué par les « bullet time » et autres gadgets de l'époque, je me rends compte à quel point j'ai été infiniment plus sensible ici à certains dialogues autour d'un café, à un regard, à une réflexion.
D'une certaine façon, l'échec commercial de l'œuvre viendrait presque confirmer son propos : le monde a changé, le public aussi, réservant un triomphe presque exclusivement aux films de super-héros, et à eux seuls. Comme si le septième art était entré dans une nouvelle ère, où l'audace et la créativité n'auraient quasiment plus la moindre place.
Il a beau être en partie pris à son propre piège en tombant parfois lourdement dans ces abus, sorties de route comprises
(même si je comprends sa présence et ce qu'elle a cherché à évoquer, l'apparition de Lambert Wilson vaut son pesant de ridicule),
ne serait-ce que pour ces moments, dont LA scène méta de chez méta avec
le débat autour du futur jeu vidéo « Matrix » sur le somptueux « White Rabbit » de Jefferson Airplane
ou encore le sublime regard perdu de Carrie-Anne Moss, je ne regrette pas le déplacement.
Mitigé, incontestablement. Frustré, aussi, tant il serait interminable de se pencher sur toutes les étrangetés du scénario. Mais je suis sorti de la salle des réflexions pleins la tête tout en ayant besoin de quelques minutes pour me réadapter au « réel », signe que Lana Wachowski n'a pas totalement raté sa cible.