Article original sur Le Mag du Ciné.


Habitué des récompenses cannoises depuis son premier film J’ai tué ma mère en 2009, Xavier Dolan est de retour au Festival de Cannes pour son huitième film Matthias et Maxime, qui marque quelques innovations dans son cinéma.


Matthias et Maxime est un tournant dans la manière que le cinéaste québécois a de raconter des histoires. Déstabilisant de prime abord, le film souffre de ce virage assez radical dans sa mise en scène mais comme à son habitude, Xavier Dolan finit toujours par transporter dans son récit et amener le public à l’intérieur même des relations entre ses personnages. En se fixant sur une bande d’amis, le réalisateur étonne, lui qui passionnait à travers des thèmes plus identitaires; le spectateur se retrouve au sein d’un groupe dont les punchlines font rire et passer un agréable moment. Matthias et Maxime est un beau roman d’amitié où ces sentiments, qu’il avait jusqu’à présent peu exploités, ont une force assez étonnante et prenante. Justement parce qu’ils sont le point d’ancrage du film et de la relation nouée entre les deux protagonistes principaux, ils font peser sur le film, une ambiance puissante où les sentiments se mêlent, se perdent et se déchirent entre deux axes.


Bien que prenant une tournure différente et beaucoup plus pudique, Dolan conserve le même procédé sur beaucoup d’aspects. Tout ne change pas dans le cinéma de Dolan. En glissant une relation toujours assez chaotique avec la mère, le cinéaste continue de traiter de l’un de ses thèmes favoris qu’est cette relation mère/fils et elle n’était pourtant ici pas forcément nécessaire. Aussi, faisant des rires l’un des aspects les plus innovants de son oeuvre, il ajoute quelques personnages dont la caricature deviendra très vite lourde. Malgré les rires provoqués, cette satire de la génération Y qui dabe, mélange l’anglais et le français pour être stylé et ne pense qu’à Instagram et Snapchat, finira très vite par s’essouffler mais sera rattrapé par la suite. Ajoutant la touche d’humour qu’on lui connaissait peu, c’est aussi grâce à ses références qu’on reconnait son cinéma. Qu’elles soient littéraires, musicales ou cinématographiques, l’empreinte dolanienne est ici bien présente et c’est comme toujours, ce qu’il met de lui-même dans son oeuvre, qui embarque pleinement. On aurait presque pu attendre D’amour ou d’amitié chanté par Céline Dion en plein milieu du film, mais on n’aura, tristement, que du Amir. Dolan avait pourtant habitué son public à davantage de création dans ses choix musicaux additionnels; bien que certains soient toujours aussi superbement choisis, la chanson de l’Eurovision reste l’un des grands mystères de ce film.


La musique a également une présence forte grâce à la nouvelle collaboration du réalisateur avec Jean-Michel Blais, pianiste québécois. Dolan change sa voie d’exploration de l’intime, et c’est ce qui fascine. Sans offrir de moments clés destinés à impressionner ou à servir de scène culte, le cinéaste se place davantage dans la retenue et utilise le piano pour livrer des intermèdes dans les instants amicaux où le l’instrument et l’introspection de ses personnages fusionnent pour former des moments suspendus individuels dans lesquels les regards disent tout ce qu’il ne veut pas énoncer clairement.


Ce flou, c’est aussi là le charme fou du film malgré ses failles. Cette force avec laquelle Dolan magnifie l’amitié coûte que coûte et fait part de la difficulté à laquelle les personnages sont confrontés, troublés par un baiser, peut-être celui qui changera leur vie. Evidemment, la construction identitaire a toujours sa place dans son récit et les plans de route en sont la preuve en belle métaphore du chemin parcouru par les deux personnages centraux, mais elle prend cette fois une autre tournure et est doublée par cette vision qu’il propose de l’amitié, qu’il avait peu abordé auparavant. Comme si la recherche de soi était double, trouver le regard que l’on porte sur soi tout en essayant de garder celui que portait l’autre. L’oeuvre de la maturité pour Xavier Dolan ? Peut être, on sent en tout cas le chemin parcouru et les rencontres importantes. Si le film ne repart pas de Cannes avec l’une des récompenses, Xavier Dolan en mériterait au moins le Prix d’Interprétation tant il épate de force et de justesse dans la délicatesse avec laquelle il affronte son personnage.

gwennaelle_m
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le 23 mai 2019

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