Peu de temps après son « Donovan », le prolifique réalisateur canadien revient avec son 8eme long métrage, à peine âgé de 30 ans.
Le film se concentre sur une bande de potes. Pour les besoins d’un court-métrage, deux d’entre eux acceptent de jouer une scène. Ce qu’ils ne savaient pas alors, c’est que pour les besoins de l’histoire, ils doivent s’embrasser… Quelque peu gênés, ils s’exécutent malgré tout. Une courte scène, le baiser ne dure pas. Mais depuis quelque chose a changé…
Si l’on retrouve des thématiques chers au réalisateur, tel l’identité sexuelle, c’est avant tout un film de copains. Ces potes qui se chambrent en permanence, où tout est prétexte à plaisanter, où les moments passés ensembles baignent dans une réjouissante insouciance, où des regards, des expressions du visage, suffisent à exprimer plus que les mots. Il y a des choses que l’on tait, qu’on ne dit pas… Si une altercation éclate comme cela peut arriver, le pardon peut être muet, d’un accord mutuel, sans que des explications soient nécessairement prononcées.
Sur cet aspect-là, « Matthias & Maxime « s’avère d’une rare justesse.
Depuis ce baiser un peu contraint, quelque chose a changé, d’indéfinissable. Matthias est le plus perturbé. Ce dernier est en couple, et il ne sait plus où il en est, il se sent menacé dans ses repères. Alors que Maxime, son ami de longue date, va partir à l’étranger, il adopte un étrange comportement, comme s’il ne voulait plus le voir…
C’est qu’il semble avoir ressenti, à ce moment, un sentiment fort, différent de l’amitié, quelque chose qu’il n’était pas censé éprouvé. Il est en couple et marié avec une femme, comment pourrait-il éprouver ce genre de sentiment pour un autre homme ? Quelqu’un qu’il connaît depuis des années en plus ? Il devient fuyant, désagréable même. Comme dans plusieurs de ses réalisations, le film se montre volontiers contemplatif, alors qu’on suit un Matthias perturbé, qui cherche en nageant de toute ses forces dans un lac à s’éloigner d’une situation insupportable, s’enfonçant de plus en plus loin en recherchant vainement des réponses…
Le film aborde le thème de l’homosexualité de façon intelligente. En effet les deux hommes n’ont pas viré de bord suite à ce fameux baiser, où eu une profonde révélation sur leur vie. Ils ont juste eu conscient d’une attirance spéciale entre eux. Quelque chose entre l’amitié profonde et l’amour. **La fin du film reste d'ailleurs plutôt ouverte sur l’avenir de leur relation. ** Pas de coming-out ou de grande déclaration d’amour. On peut ressentir quelque chose pour le même sexe sans être homo pour autant et ne plus avoir d’attirance pour l’autre sexe. De la même façon que le personnage dans « Laurence Anyways » revendiquait son identité intérieure de femme tout en continuant d’éprouver des sentiments pour sa compagne, et réciproquement.
Mais en dépit de la thématique de la bande de potes plutôt inédite, on retrouve irrémédiablement la marque de fabrique du réalisateur.
Comme souvent, les répliques fusent dans tous les sens, un débit rapide d’insultes et d’expressions québécoises toujours assez étonnant à entendre pour des français. Toutefois, ces échanges intenses sont nettement plus abordables qu’un « juste la fin du monde » où les personnages ne cessaient de se disputer pour des raisons pas toujours évidentes à comprendre. Le ton juste et le propos universel devraient cette fois pouvoir parler au plus grand nombre.
Mais il y a aussi des aspects plus négatifs que l’on aimerait ne plus trouver à chaque films… notamment le personnage de la mère toxique. La génitrice du pauvre Maxime est en effet incapable de se débrouiller toute seule et il doit gérer lui-même son argent, des efforts qu’elle lui renvoie par des insultes et des moqueries, des actes violents même. Même si l’intrigue est secondaire, elle s’avère totalement inutile à l’histoire qui aurait pu fort bien s’en passer…
Si « Matthias & Maxime », remarqué à Cannes en 2019, ne réconciliera pas vraiment les détracteurs au style particulier du réalisateur canadien, il pourra en revanche rassurer ceux qui avaient été déçus par ses deux dernières productions.
PS : vu en avant-première en présence du réalisateur à Lyon !
PS 2 : critique initialement commencée après la sortie du film, et finalisée aujourd’hui.