Les années 1980, le rêve américain, les années Reagan, l'évolution des mœurs et la transcendance du winner. La guerre du Vietnam s'est achevée, sans victoire, ni défaite. La menace du bloc communiste est encore présente, mais moins effrayante et s'exprime désormais à travers la pop culture, sur les pistes de danse et dans les clips de Frankie Goes To Hollywood ou de Sting qui se voient diffusés en boucle sur MTV. C'est également l’ère de l'évolution technologique pour le grand public. En ce sens, l'industrie du porno se métamorphose elle aussi, sous forme de K7 vidéo à visionner en solitaire. Les hommes ne se masturbent plus dans les cinémas, mais chez eux ou dans les cabines de sex shops, confinés, en solo.
Dans ce fatras de "réjouissances" cocaïnées, la starlette du X qu'est devenue Maxine vise désormais bien plus haut en terme de carrière. La Cité des Anges, Hollywood, le star system et la célébrité dans toute sa splendeur, c'est ce qu'elle veut. Quitte à faire table rase du passé, du massacre de ses amis et du couple Douglas, qui l'a néanmoins salement traumatisée. Mais elle préfère glisser cela sous le tapis. Ses visions d'horreur passée ne font que traverser son esprit. Elle n'a pas le temps, elle travaille, elle consacre toute son énergie à son métier de comédienne car elle mérite d'être "quelqu'un". Et ça marche, puisqu'elle décroche le rôle principal d'un film d'horreur vraisemblablement très attendu. Mais le L.A des années 1980, c'est également sa misère, sa folie, sa dangerosité, ses bains de sang et ses serial killers. Et il y en a justement un qui sévit actuellement. Alors Maxine, qui n'est plus à une tuerie prêt, s'arme d'un revolver. On ne sait jamais, ça pourrait servir. Et elle a raison parce que son passé va brusquement la rattraper et lui exploser à la figure en l'exposant à des gens pas vraiment recommandables...
Avec cette seconde partie consacrée au personnage de Maxine, Ti West démontre toute sa maestria dans le domaine du film d'horreur social. Après l'excellent X, qui se déroulait à la fin des années 1970 et le non-moins excellent Pearl, qui remontait le temps jusqu'en 1918, MaXXXine se pare de la superficialité culturelle des années 1980 pour nous guider au cœur de l'individualisme le plus profond où il est de bon ton à être un monstre afin d'obtenir toute crédibilité pour accéder au statut de star. La bêtise humaine s'épanouit ainsi dans un monde fait de compétitions omniprésentes (et de violence autant psychologique que physique) qui ne cesseront de s'étendre jusqu'à la saturation contemporaine.
MaXXXine est un film sacrément intelligent qui propose le sombre état des lieux d'une humanité avide de confort, de bien-être et de gloire. D'ailleurs, Maxine pourrait être candidate pour The Voice ou Koh-Lanta, ce serait la même. L'essentiel reste à écarter les autres, à s'en sortir avec les honneurs et sous les conseils d'une réalisatrice sacrément psychopathe qui ne souhaite, elle, qu'une seule chose : conserver coûte que coûte sa place au sein de l'industrie hollywoodienne.
Quelque part, il y a comme un relent de Mulholland Drive dans MaXXXine, Ti West s'évertuant à présenter un univers faussement bienveillant où avocats et hommes de main se mêlent aux artistes les plus tordus. L'atmosphère y est sombre, agressive et démente, mais conserve inlassablement le fantasme utopique de la perfection et du rêve incarné. The Neon Demon avait déjà traité le sujet à sa manière, superbement par ailleurs.
Avec cette trilogie, West offre peut-être la quintessence de sa filmographie et s'impose (enfin !) comme LE réalisateur des projets horrifiques nord-américains. Aux côtés de la décidément géniale Mia Goth, le miracle s'accomplit à nouveau et le duo nous offre l'opportunité de s'attacher, voire même pire, de s'identifier, à une bad girl qui mériterait qu'on lui tourne définitivement le dos. Mais rien n'y fait. On veut qu'elle y arrive, cette Maxine. Et que les trouducs qui lui cherchent des noises meurent dans d'atroces souffrances. Jusqu'ici, seul Rob Zombie avait été capable d'infliger de tels anti-héros au grand public, à l'image des motherfuckers dégénérés de la famille Firefly dans The Devil's Rejects qui se vit, lui aussi, distribué dans un nombre conséquent de salles. Sans pour autant vouloir comparer le travail de West à celui de Zombie, les portraits psychologiques de certains personnages qui hantent MaXXXine sont parfois similaires. Tarantino n'est pas loin non plus. Car quand West nous mène au cœur des années 1980, il nous plonge littéralement dans une lointaine époque avec le même savoir faire que le réalisateur de Once Upon A Time... In Hollywood lorsque celui-ci nous guide dans le L.A de 1969. Un véritable voyage dans le temps orchestré par un orfèvre. Et ici, c'est au rythme du rock texan de ZZ Top ou sous l'impulsion des beats plus électroniques de FGTH, New Order ou encore Kim Carnes que nous suivons ces personnages qui se débattent dans leur quête idéaliste.
Et bien que certains comédiens en fassent des caisses (Kevin Bacon et Simon Prast en particuliers), les personnages sont suffisamment développés pour que la pilule passe. Il en est de même pour les savoureux dialogues dont quelques répliques deviendront certainement cultes. Tout cela, ajouté au charisme et à l'implication de Mia Goth, magnifiée à la perfection et sans excès par la caméra de West, offre une sacrée tranche de cinéma à l'ancienne. Et ça fait un bien fou.