Simon,ex flic devenu convoyeur de fonds,est un homme détruit depuis qu'il a provoqué,en état d'ivresse,un accident de la route mortel.Radié de la police,emprisonné durant deux années,il a quitté sa femme et son fils pour broyer du noir seul dans son coin.Mais voilà que son môme Théo assiste par hasard à un meurtre et que la mafia serbe le traque afin d'éliminer ce témoin gênant.Pour sauver son gosse Simon revient aux affaires et s'attaque aux malfrats en compagnie de son inséparable ami Franck,qui lui est toujours policier et est le seul à le soutenir.Après le succès de ses deux premiers films,le réalisateur-scénariste Fred Cavayé poursuit dans la veine du néo-thriller à la française,très inspiré du modèle américain.Il reprend pour l'occasion les acteurs de ces précédents polars,soit Vincent Lindon,vedette de "Pour elle",et Gilles Lellouche,star de "A bout portant".Malheureusement ces deux hits sont très surestimés,surtout le second,et si "Mea culpa" redresse un peu la barre il souffre néanmoins des scories qui handicapaient ces tentatives antérieures.Du reste le film marchera beaucoup moins bien que les autres et Cavayé délaissera ensuite le genre pour se consacrer à des thèmes différents.Pourtant ça commençait foutrement bien,le cinéaste installant une ambiance délétère et sinistre avec la présentation de l'existence sordide de ce type mutique et désespéré qui ne s'intéresse plus à rien ni à personne et survit vaguement au sein d'un environnement d'aspect dégueulasse et déprimant,on est à Toulon,où la violence rôde partout.Sur fond de vague d'assassinats en forme de règlements de comptes dans le Milieu,on découvre les agissements de Franck,flic borderline qui porte ce qui reste de son ami à bout de bras tout en cassant du truand sans trop se soucier des procédures.Cet univers est stressant et baigne dans une brutalité illimitée que rehaussent la photo en clair-obscur mordoré de Danny Elsen,la caméra tremblotante, le filmage serré sur les protagonistes et la musique pulsionnelle angoissante de l'américain Cliff Martinez,un cador de la BO US,notamment compositeur attitré de Steven Soderbergh.Tout va bien donc mais rapidement Fred cède à ses démons habituels et balance son scénario aux chiottes pour se livrer à son occupation favorite qui consiste à étaler son génie de la démonstration technique.On oublie l'histoire pour partir dans une longue série de scènes spectaculaires destinées uniquement à mettre en valeur le savoir-faire de l'auteur.C'est comme si on l'entendait nous dire:"regardez comme je maîtrise bien les longs plans-séquences!","et les poursuites interminables,vous avez vu mes poursuites interminables?","et mes changements d'axes,ils sont pas beaux?","et comment que je gère les bastons et les fusillades,je me kiffe trop,les gars!","et mes décors délabrés,ils donnent pas envie,des fois?","et mes angles distordus,vous avez vu ça?","et mon découpage sophistiqué,ça vous en bouche pas un coin?".Bon,il faut reconnaître qu'il a un certain talent pour faire ce style de manoeuvres,mais ça ne raconte plus rien dès qu'il met en branle tout ce cirque.Sans compter que c'est mal foutu au niveau du rythme,les scènes sont trop longues,les personnages réagissent à contretemps,le montage parallèle patine dans la semoule,bref c'est n'importe quoi d'un point de vue narratif,d'autant que pour se faire plaisir Cavayé n'hésite pas à multiplier les invraisemblances.Evidemment on verse dans la controverse habituelle concernant le réalisme en matière de fiction.Il est certain qu'il ne s'agit pas d'un documentaire mais il est sain en pareil contexte de conserver une part de véracité qui empêche le spectateur de sortir complètement du film.Si les invraisemblances sont trop criardes et deviennent plutôt des impossibilités ça ne peut plus fonctionner.Et là on est servis.Un gamin de dix ans se révèle aussi bon en course à pied que des adultes apparemment en bonne forme,deux gangsters à moto déclenchent un western devant un commissariat sans que les flics ne réagissent,des poursuites se déroulent dans une dizaine de rues différentes en pleine ville sans qu'on ne voie un passant,Simon distingue deux silhouettes derrière un rideau qui se braquent mutuellement mais ne sait pas lequel est Franck,et au lieu de s'approcher et d'écarter le rideau pour voir il décide d'en flinguer une au hasard,un mec en voiture rattrape un TGV malgré une circulation dense,bravo la SNCF,et il y en a plein d'autres comme ça,c'est un florilège.Dommage car il y avait de quoi faire,même si on peut se consoler avec un fracassant twist final qui vient éclairer d'un jour nouveau des éléments distillés précédemment et explique le titre du film.Lindon en homme perdu muré dans sa douleur traumatique et Lellouche,bien avant "BAC Nord",en policier intrépide à cran,sont très bons dans ces registres.La jolie libanaise Nadine Labaki,plus connue en tant que réalisatrice, est bien en épouse rejetée mais toujours amoureuse et le petit Max Baissette de Malglaive fait preuve d'un talent précoce impressionnant et d'un solide aplomb en proie pas si facile.Les seconds couteaux sont opportunément choisis et c'est un festival de gueules marquantes.Il y a là Gilles Cohen,Medi Sadoun et Nicolas Abraham en flics incompétents,le yougoslave Velibor Topic qui a la tête de l'emploi en chef de gang balkanique,Cyril Lecomte en aficionado de corrida un peu con ou Nicky Marbot en patron de bar autoritaire,plus Christelle Cornil en contrôleuse de train qui ne sait pas à qui elle a affaire et la belle Sofia Essaïdi,autrefois révélée en tant que chanteuse par la "Star Academy",en prostituée canon.