Il fait noir. Il fait nuit. Et je sors de la salle il est 9:00 am. L'horaire parfait pour voir le film, puisqu'il se termine, approximativement à cette heure-là.
Durant 82 minutes, et pour toute une nuit, j'ai suivi Mickaël Kourtchine, médecin de nuit, tentant de toutes les forces de sa vocation, de répondre au serment qu'il a prêté.
J'ai entendu la douce voix de Vincent Macaigne, faisant face au monstre administratif, venu subrepticement remplacer ce fameux serment d'Hippocrate, se battre pour se maintenir du côté de la vie.
Tout est binaire dans cette affaire : lumière du médecin de nuit, sauveur de ceux que la société et ses institutions ont oublié, et obscurité du trafic mortel ; l'amour de son épouse et la relation extraconjugale avec celle (ou presque) de son cousin.
Ce cousin Dimitri justement, campé par Pio Marmaï, est un étrange pharmacien perdu au milieu d'un monde qu'il ne maîtrise pas submergé de dettes à tous les sens dont la plus grande, symbolique, qu'évidemment il ne remboursera jamais ; sa compagne, Sofia, interprétée par Sara Giraudeau, aussi la maîtresse de Mickaël, personnage décalé dans ses tenues, dans ses discours, dans son regard, décalée mais adaptée et monocorde. Sara Giraudeau m'a pourtant, je le confesse, quelque peu agacée, comme si cette fois son timbre de voix dissonait sans que je puisse en faire un point fort pour le personnage.
Une des forces du film est, me semble-t-il, que chaque comédien soit pris à contre-emploi, sur une brèche inconfortable qui les tient pourtant tous ensemble jusqu'à la dernière scène, aussi évidente qu'insoutenable.
J'imagine aussi que le propos du long métrage repose dans une phrase issue de l'échange entre Mickaël et la fonctionnaire de la sécurité sociale :
c'est politique.
Le film est politique et invite à réfléchir : pour moi, au moment où j'écris c'est la place du système de santé qui est en question, et traitée à la manière d'un film noir, avec élégance, subtilité et noirceur sans concession. Un polar médical.
Et pour illustrer cette noirceur, je suis allée chercher dans un registre qui n'appartient pas au film noir. En effet, une scène de Médecin de Nuit m'a frappée, comme si elle s'était détachée comme une signature, la scène chez la pianiste où le médecin donne un anxiolytique très doux pour la patiente, ce à quoi elle répond au médecin :
je vais vous jouer quelque chose de très doux
Cette scène emprunte quelque chose à l'univers de Buffet Froid de Bertrand Blier, lors de l'inversion absurde et pourtant si lisse et évidente, elle aussi, du glissement pour le personnage de l'inspecteur Morvandieu dans le rôle du malade par la seule parole des autres autour de lui.
Car la parole tue autant que les actes.
Belle séance !