Arrivé à la fin du film, j'ai senti un truc dans mon pantalon, je me suis demandé ce que c'était, et je me suis rendu compte que j'étais en train de pisser d'admiration devant Megalopolis.
Ce qu'on peut dire sur ce film, c'est qu'il tient ses promesses, c'est un OVNI total, le genre de film qui ne devrait pas exister parce que personne avec un minimum de bon sens ne consentirait à mettre ne serait-ce qu'un billet dans le projet, et le truc, c'est que personne d'autre que Coppola lui-même n'a payé pour ça, donc c'est un minimum rassurant.
C'est une expérience de cinéma comme on en vit peu dans sa vie, le dernier projet fou d'un réalisateur mythique dont les meilleures années sont derrière lui, où il n'y a absolument personne pour lui dire "non", et où il peut faire absolument tout ce qui lui passe par la tête, sans se soucier de quoi que ce soit d'autre que son propre avis, le tout avec un budget quasi illimité avancé par lui-même. Et avant de chier sur le résultat, c'est quand même quelque chose que j'admire beaucoup, il est allé au bout de son idée, et même si c'est nul, c'est créatif, et surtout d'une énorme sincérité. Et la sincérité, c'est le plus important pour un bon gros nanar.
L'histoire n'a aucun sens, on a des sous-intrigues de partout, des personnages introduits n'importe comment, des concepts intriguants mais jamais réellement développés, des bribes d'idées par-ci par-là, mais qui n'amènent jamais à rien de concret. Du coup il faut s'accrocher, car la gestion du rythme est catastrophique, à un moment je pensais qu'on approchait de la fin car ça devrait bien faire 3h que j'étais dans mon fauteuil, j'ai regardé discrètement ma montre et je me suis rendu compte qu'il restait encore une heure de film, puis je me suis mis à pleurer.
Visuellement je ne peux pas dire que tout est à jeter, on a des idées de mise en scène novatrices et/ou intéressantes de temps en temps (le fameux brisage du quatrième mur que j'aurais adoré voir en live pour le côté wtf), quelques plans sont à tomber par terre, et même si dans l'ensemble je trouve le film fatigant visuellement parlant, Coppola a une idée claire de ce à quoi doit ressembler son film et son univers.
Au niveau des acteurs, c'est vraiment fascinant, car il n'y en a aucun qui a la même interprétation de ce que doit être le film et ils sont tous dans des registres différents qui ne se complètent jamais, à part pour Aubrey Plaza et Shia LaBeouf, qui sont les seuls à avoir l'air de 1. s'amuser, et 2. comprendre le bordel qu'est le film et donc se permettent d'en faire des caisses, particulièrement LaBeouf qui est hilarant du début à la fin. Pour le reste, ça part dans tous les sens, Nathalie Emmanuel pense être dans un drame sérieux et essaie de jouer le plus sérieusement possible, ce qui est involontairement hilarant, Adam Driver est catastrophique, il n'a aucune direction et il est totalement perdu pendant tout le film. On a aussi Laurence Fishburne à la fois chauffeur et narrateur, qui brise sa narration sans raison, un Jon Voigt faiblard mais qui délivre le moment le plus hilarant du film, à base de trique et de Robin des Bois, ou encore Giancarlo Esposito manquant lui aussi de direction et ne sachant pas trop quoi faire de son personnage. En plus de ça, on a trois acteurs assez importants dans des rôles à la limite de la figuration, Talia Shire et Jason Schwartzman, je comprends, ils rendent service, mais Dustin Hoffman, qu'est-ce qu'il fout là ? Il ne sert absolument à rien.
Quasiment rien ne fonctionne dans ce film, c'est vraiment fascinant, et encore une fois, je respecte la démarche et même si c'est un glorieux nanar, je préfère largement me retrouver face à cette catastrophe absolue qu'un simple film médiocre sans ambition qui sera oublié dès le lendemain, là je sais que ce Megalopolis me restera longtemps en tête, et à vrai dire, mon seul regret est que Coppola n'est pas poussé le bouchon plus loin avec une durée beaucoup plus longue (qui paradoxalement aurait permis au film d'être mieux rythmé), car dans tout ce bordel infâme, le truc le plus frustrant est qu'autant d'idées qui sont présentées soient aussi condensées et pas assez développées.