Dans une New-York futuriste marquée par la culture romaine, le combat d’un millionnaire de génie (Cicero) et d’un politicien pur jus (Cicero) pour décider du destin de la ville après une catastrophe. Qui décidera du destin de la Nouvelle Rome ? N’est-elle pas en train de déjà tuer ses habitants ? Mais dans l’ombre, dans la propre famille de Catilina, un complot plus inquiétant encore est peut-être en train de s’ourdir…
Difficile de décrire Megalopolis en termes simples. Film d'une vie (Coppola la prépare depuis 40 ans !), l’œuvre a été présentée au Festival de Cannes 2024 où elle a reçu des critiques acerbes, que je trouve pour la plupart assez dures. C'est sûr que c'est pas linéaire, ça... Megalopolis est une production multifacette à l'esthétique changeante et charmante, qui valse, frivole, de la narration linéaire au symbolisme en passant par des moments contemplatifs et méditatifs. On est parfois bien plus proche du cinéma d'auteur que ce que FFC a pu servir dans Le Parrain ou bien Apocalypse Now. Disons que pour les habitués à la grammaire cinématographique blockbuster, ça ne se digère pas d'un coup, quoi...
À défaut de constance, le film a un fil rouge, un substrat de culture romaine qui sert des réflexions entrecroisées sur le rôle de l'artiste, le génie, le temps et l'ambiguïté de la civilisation. Réflexions tellement entrecroisées que le propos peut au final apparaître confus, d'autant que certains éléments (comme le Megalon) restent assez mal expliqués et servent plus de deus ex machina scénaristiques que d'autre chose. Alors que le conflit du parti de Catilina et celui de Cicéron à Rome était plutôt social, le conflit entre Cicero et Catilina dans le film est sociétal : vieille conception de la politique et pragmatisme vs recherche d'utopie contre vents et marées. Le propos sur l'amour est aussi très beau (César qui ne peut arrêter le temps que pour Julia) ! Au fond, c'est un film apolitique, même si connaissant Coppola, le personnage de Claudio est une référence à peine masquée à Trump... alors qu'ironiquement, Catilina évoque plutôt Musk. Néanmoins, Coppola s'adresse à son électorat sans le mépriser et lui délivre un message d'espoir (bien que franchement idéaliste), qui évite le manichéisme (Catilina a des failles, et des belles). Coppola s'autorise même quelques réflexions surprenantes pour un mec de ses idées, en montrant par exemple que celui qui contrôle la banque dans ce système contrôle tout, d'où la nécessité d'en changer (de système, pas de banque, faut suivre !)
Bref, oui, j'aurais quelques petites choses à lui reprocher à ce film, dont un certain côté clinquant et grandiloquent qui évoque plus Sofia que Francis Ford... On peut traiter le réal de rêveur, de naïf, car le final fait fort en la matière, c'est vrai, mais c'est un film intelligent et humain d'un mec qui croit en l'humain, et à une époque qui sombre volontiers dans le nihilisme, la démagogie facile ou la vertu ostentatoire, bordel ça fait du bien.
D'ailleurs, à voir les réactions, ce Megalopolis a visiblement remué les excités de tous les bords politiques, et surtout ceux qui n'ont pas le dixième de la culture nécessaire à la compréhension de son propos (évidemment). Preuve qu'il est a minima intéressant, à défaut d'être excellemment réalisé. Rien que pour ce petit plaisir coupable, j'ai eu envie d'augmenter ma note, mais bon, il faut rester raisonnable : on ne peut pas non plus crier au chef d'œuvre, faut pas déconner. On a simplement la dernière révérence d'une légende du cinéma un peu rêveuse (l'âge, je suppose), révérence à l'ambition artistique tout à fait acceptable, belle déclaration d'amour à l'art, qui ose surprendre et ne réduit pas la pensée au plus bas dénominateur commun. Rien que pour ça, chapeau papy, et merci pour tout ce que tu as donné au septième art.