DSM (Diagnostic and statistical manual of Mental Disorders)
Lars von Trier a décidé d'explorer dans ses films toutes les facettes de la pathologie psychiatrique, avec comme fil conducteur le plus grand pessimisme (plus ça va plus je me convaincs qu'il a été confronté au problème à un moment de sa vie, personnellement ou plus sûrement par le fait d'un proche).
Après la perversion et la psychose la plus sombre que questionnaient avec brio Antichrist, il s'attaque donc avec Melancholia à l'anxiété et la mélancolie (au sens psychiatrique du terme, celui de la plus terrible dépression).
Malheureusement, cette deuxième expérience est nettement moins éblouissante que la précédente, la faute, à mon sens, non pas aux acteurs tous d'une grande justesse, non pas à la photo, splendide du début à la fin, mais bien à un scénario en même temps forcé et vide (comme un tupperware qu'on a du mal à fermer lorsqu'il est trop plein de salade et qu'on retrouve au trois quarts rempli d'air lorsque la salade a fané).
Du coup ça part bien avec la première partie (Justine) qui nous montre les effroyables conséquences de la maladie psychiatrique sur le cours d'une vie qu'elle brise en menus morceaux, fait imploser en quelques heures devant le spectateur aussi impuissant que tous ceux qui tentent (ou pas) de sauver la pauvre Justine de l'irréversible noyade (mention spéciale à Charlotte Gainsbourg et Kiefer Sutherland pour leur jeu "justement à côté").
Puis vient la deuxième (Claire), d'une longueur pesante (c'est un choix de mise en scène certes, mais c'est un choix profondément lourd et chiant), centrée sur une Charlotte Gainsbourg qui fait ce qu'elle peut pour ne pas virer à l'hystérie alors que la planète Melancholia s'apprête à réduire la Terre en la poussière d'espace qu'elle fut au commencement. Malgré une fin très juste (les 10 dernières minutes), ça ne semble avoir aucun lien avec le reste, c'est poussif et ça fait s'effondrer dans l'esprit (et le corps) du spectateur contraint de s'intéresser à sa montre, toute la tension soigneusement installée durant la première heure du film.
Alors certes on réfléchit beaucoup durant le générique de fin et dans les jours qui suivent. On comprends que cette Justine mélancolique au comportement si inadapté dans une situation "normale" est la seule (avec le petit Leo, l'enfant innocent) à rester les pieds sur terre à l'heure de la fin du monde. On réalise que l'anxiété, qu'elle nous paralyse ou nous agite en tous sens, peut être une réaction normale. On n'admet pas le suicide de la seule personne qui nous paraissait jusqu'alors saine d'esprit... Mais cela ne nous empêche pas de regretter que "l'objet film" qui a suscité tout ces questionnements n'ait pas été plus abouti.