Difficile d'attribuer une note concrète sur cet ovni cinématographique qu'a réalisé Bertrand Blier. A la fois complètement décousu dans son récit mais gardant une certaine cohérence de mise en scène, le film nous embarque complètement dans l'absurdité la plus totale, le non sens le plus assumé, sans jamais jouer sur les actes et les conséquences. Un condensé de tout, d'amitié, de maladies, de sexe, jusqu'au travers des époques historiques, en passant même par des changements de colorimétries parfois incompréhensibles. Une audace qui trouble le spectateur qui ne sait jamais où donner de la tête et peut finir par profondément s'ennuyer devant tout ça. Mais aussi, être envahi par une sorte d'admiration envers Bertrand Blier qui joue avec la caméra et le langage cinématographique comme si c'était un jouet, en ne lui donnant aucune limite dans la façon de faire un film.
Si Merci la vie commence à peu près comme chaque long métrage du réalisateur, à savoir une forme d'absurdité certaine dans des lieux non indiqués où un duo (ici de femmes) se met soudainement à être les meilleures amies du monde et à découvrir une liberté dans leurs conditions, il part très vite dans un délire onirique après la première scène de découverte du sexe. Cet assemblage aussi perturbant que parfois hilarant, notamment de par ses dialogues toujours improbables et de certaines répliques qui font mouche, rend le tout très difficile à suivre. Bertrand Blier semble s'amuser à rendre le tout impossible à comprendre, en jouant avec les époques qui vacillent entre elles, les relations qui se chevauchent, les délires métaphoriques, et aussi les lumières de scènes parfois presque lynchéennes et jouant avec un fantastique déroutant. Mais en jouant avec ce rythme complètement loufoque, Blier raconte finalement l'absurdité de la vie au travers de la caméra qu'il n'hésite pas d'ailleurs à filmer.
Il rappelle que le cinéma n'est pas la vie. Mais que la vie fait vivre le cinéma. Et c'est en jouant avec cet aspect que les quelques moments de grâce que nous offrent le film sont d'une grande beauté et justesse dans la réflexion métaphysique que ça apporte, très vite désamorcés par le retour à l'absurde, tout comme l'honnêteté de l'amour qui vient parfois transcender l'écran, notamment grâce à ce fabuleux casting qui s'y donne à cœur joie pour offrir des performances toutes plus contrastées et délirantes les unes que les autres. De ce semblant de vide ne racontant rien, s'élève finalement un questionnement sur l'intérêt de telles œuvres. Mais dans cette volonté de ne rien raconter de spécifique, Blier raconte d'une certaine manière des étapes, des moments perdus, des situations glauques, des incompréhensions. Il fait de la vie, une aventure folle qui n'a aucun sens, qui a ses beaux moments (le sexe, l'amour), et ses histoires sombres (les nazis, le père violentant sa fille au début) mais en offrant toujours ça dans une prise de conscience méta que tout ce qu'on nous montre n'est rien d'autre que du cinéma, et que rien n'est finalement plus fort que la vie elle-même.
Merci la vie est un drôle de morceau difficile à critiquer. Mais dans tous ces effets visuels et ses situations absurdes, le film parvient à capter quelque chose de fort, à la fois cynique et beau, sur le rôle du cinéma, avec aussi ce choix d'enfreindre presque toutes les règles possibles que l'industrie lui a attribué. Cela rend l'expérience parfois un peu ennuyante, mais vraiment déroutante. On a rarement vu un tel film comme ça. Ca doit être ça "l'ambition" ?