Il s’agit du premier film de celui qui était alors journaliste et qui sera ensuite député à la gauche de la gauche. Il était temps que je le voie.
Dans sa contrée picarde, Ruffin va à la rencontre d’anciens salariés du groupe de luxe LVMH. Son postulat de départ est que Bernard Arnault, milliardaire et patron du groupe, ne peut pas être aussi mauvais qu’on le dit. Il va donc tenter d’être son meilleur avocat. Et quand il va rencontrer une famille qu’on s’apprête à mettre à la rue, il se fera l’avocat de l’un et surtout le défenseur des autres.
Décalé et caustique, ce projet qu’on voit évoluer au fur et à mesure est une idée lumineuse. Sur la forme, on joue avec les règles du doc à la première personne. Il y a un petit côté « J’irai dormir chez vous » par la fausse candeur et le second degré du piéton qui se laisse guider. On joue également avec les règles tout court, c’est à dire le droit. De l’invasion de l’AG de LVMH à l’autorisation même de diffuser le film, Ruffin et son équipe font preuve de beaucoup d’ingéniosité, se faisant plus malins que le mastodonte du CAC. L’effet produit ? D’abord c’est un film très humain et il rappelle à quel point le cynisme cradingue caractérise les prédateurs financiers et leurs amis du monde politique propre sur lui. Dénonciation facile et démago diront les uns, pamphlet salutaire et libre diront les autres. Vous vous positionnerez par rapport à votre adhésion ou non au mythe de la méritocratie libérale. Mais outre le propos, on doit saluer un humour omniprésent qui fait généralement mouche et des trouvailles visuelles qui, si elles ne rentreront pas au musée Lumière, ont le mérite de chercher à sortir des sentiers battus.
En clair, de la blague potache et du happening libertaire qui font du bien autant qu’ils interpellent. C’est frais et savoureux !