On peut véritablement douter de l'honnêteté du procédé. Rejeter son jeu limite avec l'illégalité, ses idées un peu extrémistes, dénoncer l'énorme coup de pub (surement un peu) manipulé et à peine maquillé, la manipulation tout aussi peu maquillée exercée sur cette famille aussi attachante que sont les Klur, maintenant idoles d'un combat généralisé, être dégoûté par l'attaque ad nominem qui est faite de ce Bernard Arnaud contre qui personne n'a véritablement de dent personnelle (si ce n'est les protagonistes), ou enfin l'aspect fait maison, brouillon, de l'ensemble.
Ou tout simplement le fait qu'en dénonçant une injustice, le film ne fait rien pour la résoudre, ne propose aucune idée. A moins qu'il faille faire un Merci Patron ! pour chaque couple au chômage, pour chaque grand patron. Des suites par milliers.
Mais on ne pourra jamais ôter à ce film son énergie débordante, son humour noir, sa fraîcheur dans le paysage cinématographique (et politique, puisque c'est bien plus de cela qu'il est question ici, le cinéma n'étant qu'un vecteur) français. Sans rien ôter du tragique de la situation, en relevant bien tous les enjeux, les dangers, François Ruffin, avec une malice et une ironie sans égale, s'attaque à son échelle (finalement bien haute, capable avec rien, seulement de l'intelligence et un peu de détournement d'identité, de mensonge et d'actions illégales, de faire trembler les plus grands - même si on se laisse une marge de doute certaine -) au capitalisme, ou plutôt à ses conséquences désastreuses, avec causticité, délice, et joie de vivre.
Car c'est bien là où le film est le meilleur ; dans le portrait pudique, émouvant et subtil d'une France qu'on a trop tendance à oublier, et dont Ruffin rappelle heureusement l'humanité profonde, la gentillesse innée, peut être même la faiblesse, qu'il défend et pour laquelle il se bat.
Un cri de guerre déroutant mais drôle à en pleurer, stimulant comme jamais.