Pour son premier essai en temps que réalisatrice solo, Jeanne Balibar choisit de s'attaquer au non moins épineux thème de « la banlieue ». Force est de constater que le pari était risqué, notamment après le succès des Misérables de Ladj Li, dont la légitimité à traiter du sujet sautait clairement plus aux yeux. S’il faut saluer l’audace, alors saluons-la !
Le film est conçu comme un entremêlement de petites fables urbaines, toutes plus loufoques les unes que les autres, ayant pour dénominateurs communs de se dérouler dans la petite ville séquano-dyonisienne de Montfermeil et de faire intervenir des membres d'une équipe municipale de gauche tout récemment investie de ses pouvoirs. On y retrouve, entre autres, et pas dans l'ordre, Emmanuelle Béart en mairesse névrosée luttant jusqu'à la tentative de suicide contre un promoteur immobilier, Ramzy son adjoint rejouant son mariage sur Second life ou encore Jeanne Balibar en animatrice en expression corporelle mettant les gens en transe partout où elle passe.
Le travail sur les costumes occupe une place centrale dans le film, renforçant le caractère déjà théâtral de ces scénettes. Jeanne Balibar divorce dans un short jaune, trahissant son côté décalé et la mairesse revêt des tenues sexy et fortes en couleur pour affirmer son autorité de femme politique. Le vêtement lui-même devient un sujet saillant du récit. L’équipe municipale, déconnectée de la réalité, ne trouve pas meilleure idée que de créer des journées du kilt et du kimono, et deux amoureux se déclarent leur flamme par costume Michelin interposé. Ce n'est certainement pas par hasard que le film se clôt par une scène de danse sur l'air de « sappés comme jamais ».
Ces petites histoires, empreintes d'une certaine poésie et plutôt bien interprétées, auraient pû être plaisantes à regarder si on en avait oublié qu'elles se déroulent en pleine banlieue. Et c'est là que se situe le (grand) malaise.
Pendant les 1h50 que dure le film, ces deux mondes évolueront en parallèle, sans se toucher, contribuant à créer une sorte d'enclave blanche bobo au milieu de la cité, où l'on se regarde de part et d'autre avec des yeux écarquillés.
Il y a bien deux moments où ces mondes vont se croiser : d'abord, lorsque Mathieu Amalric arpente les HLM pour retrouver des personnes « chassées » et ensuite avec cette employée de mairie qui se rend chez les gitans de la cité dans le cadre d'un projet de voyage en Transylvanie. Mais dans les deux cas, il n'en ressort rien d'intéressant, si ce n'est une immense gêne et le constat d'une communication impossible. Quelle tristesse.
Qu'a voulu nous dire Jeanne Balibar avec Merveilles à Montfermeil ?
Pas grand chose, je le crains. Si ce n'est nous faire part de son impuissance à traiter du sujet de la banlieue.