Michel-Ange représente l'artiste avec un grand A, torturé, génial et égocentrique. Il n'y a finalement que peu de films qui lui ont été consacrés, le plus connu étant le très hollywoodien L'extase et l'agonie. Le Michel-Ange de Konchalovsky est d'une toute autre matière, œuvre complexe et rugueuse qui trace du maître italien un portrait riche et contrasté. Le cinéaste russe a d'ailleurs choisi une période difficile de l'existence de Michel-Ange, celle où il est partagée entre deux familles, celles des Della Rovere et celle des Médicis, qui conquièrent tour à tour la papauté et deviennent ses mécènes. Juste après avoir peint le plafond de la chapelle Sixtine, Michel-Ange s'engage en parallèle dans plusieurs projets, au risque de l'inachèvement (c'est l'un des thèmes du film, celui de l'échec). Film sur la création artistique et ses entraves, c'est aussi une œuvre politique et un portrait saisissant d'une époque, la Renaissance, débarrassée des nombreux clichés habituellement véhiculés par les séries ou les films. A la beauté des paysages et des réalisations artistiques s'opposent la misère du peuple et l'atmosphère crasse et glauque qui rappellent que le Moyen-âge n'est pas si loin. Au plus proche de son héros, qu'il ne montre presque jamais au travail, Konchalovsky le dévoile fasciné par la matière, ce fameux marbre "blanc comme du sucre". Cela nous vaut les scènes les plus spectaculaires du film avec le déplacement d'un énorme bloc de Carrare qui n'est pas sans rappeler certains moments épiques du Fitzcarraldo de Herzog. Monumental, passionné et disparate, Michel-Ange peut assurément être vu comme un autoportrait de Konchalovsky qui a subi la censure soviétique et les exigences financières américaines. Au-delà, il est frappant de constater l'incroyable ressemblance de l'acteur Alberto Testone avec son modèle. Il incarne un Michel-Ange furieux, généreux et atrabilaire avec un réalisme stupéfiant. Une performance magistrale qui s'inscrit parfaitement dans un film insaisissable, fou, puissant et passionnant.