Ari Aster frappa un grand coup avec "Hérédité" sorti l'année passée. Dans l'univers timoré du cinéma d'horreur moderne, le film, surprenamment retors et hybride, étirait un malaise latent jusqu'à rompre l’équilibre en faisant exploser son final dans un déluge dantesque.


Midsommar est tout aussi abouti. Il garde cette radicalité du propos en allant encore plus loin dans l'élongation de son histoire. De cette manière le film se veut plus long, plus contemplatif, plus éthéré, plus risqué finalement dans sa volonté de créer petites touches par petites touches une atmosphère à la fois discordante et palpable. Le prologue d'ailleurs, s'avère être un modèle du genre... Peu de films, tragédies ou drames, arrivent à nous faire ressentir une telle détresse en près de deux heures alors que Midsommar, en parallèle de devoir introduire ses personnages dans son cadre, touche en quinze minutes seulement, une douleur, un désarroi inouïs ressenti par l’héroïne suite à une catastrophe. Une leçon de cinéma condensée...


La suite emprunte le canevas plus classique de jeunes personnages hétéroclites de film d'horreur en voyage vers un endroit mystérieux, futur huis-clos de leur martyr. Les partis-pris de mise en scène, singuliers et toujours intelligents, donnent à Midsommar une identité immédiatement perceptible. Cette caméra par exemple qui lorsqu'ils arrivent sur la route menant à leur destination se retourne volontairement, soulignant l'étrangeté et le basculement à venir. Midsommar en outre montre le gore, il se débine jamais. Mais le fait parcimonieusement et utilise le symbole (omniprésent dans le film) qu’il soit graphique ou abstrait comme éléments annonciateurs de l’écroulement à venir. Le fameux «Show, don’t tell»
Foutrement efficace…


Et puis cette dualité originale , entre une noirceur d'introduction encore une fois très glaçante, et cette progression lente vers le soleil, la lumière, la féerie, l'univers bucolique inhérents aux latitudes du nord de la Suède. Ari Aster développe un travail fantastique sur le plan formel: la photographie d’abord, éclatante, le sound design et cette musique dissonante et comme assaillante pour nous spectateurs déroulent un tapis vert impeccablement ras vers l'horreur. L’architecture des bâtiments, tout en angles droits, des pâturages délimités au cordeau; chaque plan de Midsommar est ordonné selon des lignes d’horizons rectilignes. Une géométrie assommante et anxiogène qui confère définitivement à ce monde d’apparence idyllique une impression de geôle à ciel ouvert. La désorientation est totale.


Avec ses deux films maintenant, on peut commencer à dégager les thèmes d’auteur qui interpellent le réalisateur. Hérédité versait dans l'occultisme, Midsommar constitue le pan davantage païen et ésotérique de son étude des croyances humaines. Il semble aussi être intéressé par la question de la mort. Et par extension le deuil. Midsommar, comme Hérédité avant lui, montre l’après d’un tel traumatisme, le combat intérieur et intime de chacun avec ses démons. Mal-être exploité ensuite par l’antagoniste pour tirer profit du héros. Mais Ari Aster, sans contestation véritable auteur, pousse ici le film - c'est pour cela que je parlais de risque - dans une direction plus extrême encore... Midsommar est finalement un authentique thriller et non pas un film d'horreur ramassé, clairement défini. Il explore à travers une progression lente la perdition, le lâcher-prise presque consenti, sans utiliser d’effets putassiers et autres gimmicks classiques du genre. À la fin d’ailleurs, sans rien dévoiler, au bout de sa logique; il joue sur un fil ténu... Le grotesque est à ses pieds mais le réalisateur conduit sa trame tellement bien, avec une conviction inébranlable qu'il termine cette histoire, cathartique en diable, au bout de l'hallucination sans qu’on cherche à y trouver l’une ou l’autre facilité. Remarquable...


Rares sont les films dans la production actuelle à oser prendre des chemins de traverses pour épouvanter. Célébrons-les !

Liverbird
8
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le 12 août 2019

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Liverbird

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