Tu vas adorer...aie confiance pour t'ouvrir à ce qui t'entoure

Si on se demande quel réalisateur suivre les prochaines années, parmi eux figurera Ari Aster. Car, en deux ans et deux films (et des futurs projets très intéressants), il a su renouveler le film de genre et lui donner une véritable patte reconnaissable, s'imposant comme un véritable artiste capable de déranger mais d'impressionner en détournant et en s'appropriant les règles. L'année dernière, pour son premier long, il proposa Hérédité, qui m'avait fasciné à tel point qu'il est devenu pour moi l'un des films qui m'a le plus marqué ces dernières années et l'un des meilleurs films d'horreur.


Car le cinéma a beau nous proposer une bonne quantité de films d'horreur chaque année, avec plus ou moins de réussite, mais surtout de qualité. En effet, les films d'aujourd'hui sont trop souvent similaires et, on a beau plus ou moins les apprécier, aucun n'a vraiment eu "un vrai travail", sauf bien sûr des exceptions, à l'instar des Conjuring de James Wan. Dès qu'un film marche, on en fait une suite (souvent bien moins à la hauteur ou alors simplement divertissante certes, mais objectivement moyenne), ou un film similaire, histoire de s'inspirer de ce qui marche.


Forcément, le public est au rendez-vous, malgré des critiques peu élogieuses (parfois, on peut trouver qu'elles exagèrent un peu cependant). Le problème étant que lorsqu'un projet sort de l'ordinaire et propose quelque chose de très différent, l'accueil est difficile à anticiper. Les critiques "professionnelles", dans l'ensemble, l'apprécieront peut-être, tandis que le public, lui, peut se questionner et ne pas comprendre l'utilité, ou trouver le film mauvais car ne le comprend pas, ne voit pas la finalité, ou ne retrouve pas ce qu'il apprécie en général.


Tout cela pour dire qu'Hérédité était ce genre de film. Un peu inhabituel dans le genre déjà dans sa durée, dans son scénario, ou dans sa réalisation. Il fut, dans l'ensemble, apprécié, mais j'ai beaucoup entendu de critiques et d'incompréhension concernant sa fin particulière, certes, mais totalement géniale pour moi, car elle fit du film une œuvre vraiment à part.


Et cette année, Aster rempile encore avec le studio indépendant A24, dont le style de ses films a vraiment quelque chose d'original et qui est l'un des studios les plus intéressants concernant leurs productions, qui comptent parmi elles les passionnants American Honey (gros gros coup de cœur), Mise à mort du cerf sacré, Spring Breakers, ou encore Under the Silver Lake, et dont les futures productions continuent de promettre du très très bon. Et c'est avec Midsommar qu'Aster poursuit son travail et continue de déranger tout en prolongeant l'exploration de thématiques ou de réalisation qu'on retrouvait déjà dans Hérédité.


On a ce travail de la lumière, avec pour celui-ci une utilisation quasi unique de la lumière du jour (autre originalité du film, combien de films d'horreur se passent quasiment uniquement de jour ? Pas beaucoup !), ce qui rend le tout très stylisé. La réalisation (et la manière parfaite de filmer et cadrer les personnages) donne l'impression de voir des tableaux ou tente des choses pour troubler le spectateur.


Les différentes thématiques : on retrouve le deuil (le postulat de départ dans les deux films), la famille, la colère, et le mensonge/secret, la femme en souffrance (Toni Collette magistrale dans Hérédité laisse sa place ici à Florence Pugh, elle aussi parfaite, et qui donne vraiment d'elle-même et est très crédible), les "bruits des personnages" (le claquement de langue dans le premier et le bruit "asthmatique" dans celui-ci), une mise en abyme (la maison de poupée dans Hérédité pour des fresques qui annoncent presque subtilement le déroulement de l'histoire dans celui-ci), des éléments scénaristiques pas toujours clairs ou encore une double lecture et une part de mystère.


En clair, les deux films, bien que totalement opposés, se rejoignent dans la filmographie du réalisateur/scénariste, et ceux qui auront apprécié Hérédité apprécieront sans doute Midsommar, bien plus mature dans ce qu'il montre et raconte, et possiblement plus dérangeant que le premier. Mais ceux qui sont exclusivement spectateurs des films d'horreur typiques à jump scares, au scénario très simple et sans prises de tête, et plus ou moins "effrayants", n'aimeront pas ou se demanderont en quoi c'est un film d'horreur.


En revanche, il faut reconnaître que pour ce point concernant les deux films, le terme "horreur" est discutable (d'autant plus qu'Aster lui-même ne qualifie pas Midsommar de film d'horreur), mais pour moi, ils en sont clairement, ne serait-ce que par l'ambiance très particulière et oppressante. Nul doute que, durant vos séances, certains partiront ou seront choqués et critiqueront Aster de malade et autres tarés.


Mais son scénario n'est pas stupide et débile et sans intérêt : il raconte vraiment quelque chose et pousse le spectateur à s'ouvrir à des choses qui le dérangeraient de regarder ou d'entendre (3 exemples flagrants dans ce film, inutile de les annoncer, si vous voyez ce film vous comprendrez).


En tout cas, je n'ai pas du tout été choqué et encore moins dérangé devant Midsommar, d'une part car j'attends toujours ce film qui me fera ressentir cela, et d'autre part parce que les films de ce type (bien particulier, au scénario dont le vrai sens est à découvrir, au tout qui fait débat et pousse à la théorie) me passionnent. Mais aussi, car ces scènes rentrent parfaitement dans ce que le réal veut nous raconter (en tout cas de ce que j'en comprends).


Long (dans ses plans et ses scènes, notamment son prologue), quitte à ennuyer certainement certains, gore (sans l'être totalement), oppressant, comme je l'ai déjà dit, car le spectateur se mettra à la place du groupe d'amis qui arrive et sera lui aussi perdu et compressé par tous les personnages. De plus, l'humour (pas noir mais qui n'a pas normalement lieu d'être dans ce genre d'histoire) qui passe principalement par le génialissime Will Poulter (qui ne cesse de se confirmer) continue à rendre le tout plus bizarre et à donner une sensation de malaise au spectateur qui ne saura pas s'il doit rire, se poser des questions, partir, etc.


Midsommar, plus qu'un film, est une expérience qu'il faut vivre. Très spécial, il dérangera ou passionnera, ou alors rendra celui qui le visionnera dans un questionnement quant à savoir s'il a apprécié ou non, tout de suite après visionnage. Pour ma part, Aster a fait comme pour Hérédité (qui est quand même pour moi au-dessus), un film passionnant et différent de ce que les films d'horreur nous proposent, et encore une fois, il est pour moi l'un des plus marquants et l'un des meilleurs.


Dire qu'il est l'un des films les plus choquants, c'est totalement faux (pas du tout pour moi même), mais dire qu'il laisse indifférent, ça l'est aussi. Sur le plan de la réalisation, c'est sublime, les acteurs sont excellents : Pugh sensationnelle, toute la "communauté" saisissante et vraiment dérangeante, Poulter très très drôle, et Reynor qui joue Christian est, pour moi, certes pas le meilleur, mais c'est sûrement son personnage qui, après réflexion, veut ça.


En un mot, pour conclure : foncez, tout en étant prévenus. Je finirai par recommander de revisionner les bandes-annonces après visionnage, déjà parce que je les trouve énormes, surtout la première, et car j'adore revoir des B.A. que j'aime, mais surtout parce que je trouve que les extraits (surtout les dialogues) choisis, le sont très intelligemment, car chaque phrase définit ce qui nous attend.


CinAdri, au plaisir.

18/02/19

CinAdri

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