Le sacre de l'été
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
Par
le 3 août 2019
206 j'aime
61
Retour a Harga est c'était encore mieux - Max Linder oblige aussi.
Tout les problèmes que j'avais avec le rythme du film, les longueurs dans le milieu, le manque d’intérêt pour certain personnages, tout ça c'est partie. C'était juste parfait du début a la fin, au millimètre et au millepatte de tout du rien. Le pure trip sensitif.
Cette fois je l'ai vu en milieu de journée pour bien profiter de l'afterglow. Il faut voir Midsommar en journée. Les neufs lettres du titre avec leurs soleil centrale indique que le moment ou l'astre solaire et le plus haut est aussi le moment approprié pour son ingestion.
Des films qui t'embarque et te laisse a la lisière de la rétine leurs sens du cadre, leurs textures et autres jeux de couleurs il y en a plein, mais Aster a tellement poussé le truc loin que ça risque pas de faire cet effet avant longtemps. C'est d'abord le partie pris de tourner tout a la lumière naturelle, passé le premier cinquième du film, il n'y que nature verdoyante. Le vert est une couleur spéciale, celle qui a le plus de variantes. Cela contraste avec ce blanc immaculé des vêtements d'Harga, qui dans certain plan sont appuyé par d'autre couleurs vive: le rouge d'un cordon, le rose d'un cerisier, le bleue d'une tunique. Rarement plus, sauf quand Dany est revêtit de bouquet. La conscience des couleurs en devient particulière. Puis on a les quelques maisons, avec leurs bois sombres qui permettent des transitions plus ou moins brut avec l’extérieur ensoleillé, ou le dortoir avec son papier peint un peu pale et lait.
C'est ces éléments qui sont sublimés par la photographie et la mise en scène.
La gestion des flous d'abord, qui crée parfois cette impression que le décor est loin mais pourtant si présent, la texture est très travaillé, l'effet recherché est celui d'un focus persistant, qui englobe toujours, plus ou moins, la périphérie, qui la fait vivre. Aster favorise des prises longues qui lui permettent de balader sa caméra et de jouer avec la profondeur de champ. On ressent le mouvement perpétuel des gens, et celui de la nature lorsqu'elle se déforme. Puis la géométrie et le rythme, les lignes, les formes primaires abondent toujours, parfaitement a leurs places. Couplé a cela l'enchainement des plans qui rappelle les aiguilles d'une montre qui irait a son zénith, ou une ouverture aurait lieu, ou des motifs se révèlent entre les plans, par les ombres et les gestes. Et donc les gens d'Harga eux même, qui ont un usage assez symbolique de leurs corps et adopte souvent des positions des bras ou des mains évocatrices et inhabituels.
Mais c'est surtout quand le mouvement du cadre ou les habits si blanc se meuvent que l'hypnose se fait totale. Cet effet stroboscopique on le voit très évidemment en action lors que la travelling se déroule le long de la fresque près de la cage de l'ours, les cadres s'enchainent et finissent par crées une oscillation prononcée. Cela alors que dans l'image même, on peut voir l'heureux élu avec les yeux plein de spirales perforantes. A chaque fois que le cadre bouge, et que ceux revêtu de blanc bougent ou pas, ils oscillent ainsi, légèrement. Cela est utilisé avec une précision diabolique pour distiller le temps. Comme la nature qui après avoir bouger, se fige. Le premier repas en est un exemple assez évident, avec ses assiettes et ses tables agencées en runes vu de haut, suivi de nombreux plan fixe - après que tous aient attendus pour s'assoir, et ou l'on prend son temps, on nous fait ressentir le sens. Ou celui où le cadre se déplace lentement vers la droite et ou des femmes et des hommes font des exercices de respiration, puis passent en flou alors que Dani le regard assuré ressent la chose. Il y a beaucoup de présence et d'intention dans chaque instant et une réel sensorialité, une cadence qui suit un battement particulier pour nous plonger dans un état plus réceptif. Que tout soit empreint de cette vision, le travail sur le flou, etc, ou des éléments spontanés comme la roue de la brouette et autre, permettent au film de vivre hors de la salle. On a réhabilité notre vision périphérique que les murs des pièces et les immeubles des villes ont dépecés.
Le réalisateur veut nous amener a un lâcher prise et il passe principalement, au delà du déroulement narratif de surface, par deux aspects.
Le premier est cette clairvoyance qui parcours le récit. A travers différents tableaux, on nous représente l'état émotionnelles des personnages ou les événements a venir, notamment dans le dortoir, dont les murs ne sont qu'une gigantesque prophétie. A la fois cela instille une prescience et a la fois cela joue avec le spectateur qui cherche ces détails, qui c'est fait comme ces aspirants docteurs que nous suivons. Leurs parcours est celui d'un menteur pour Christian, plus occupé par ses questions que la disparition d'un couple, et de Dany que cela trouble, et de Josh, qui après s'être émeut un instant, court vite rédiger ce qu'il vient de vivre et ira jusqu’à s'introduire et prendre des photos du livre (livre des prophéties, ironie?) alors qu'on lui avait défendu. Deux bonhommes qui négligent leurs émotions sans aucun doute. Et les deux morts auquel on assiste sont les leurs. Josh prend un coup de marteaux sur la tête et son pied sera planté dans la sol - pas la, ou, tête a, en, l'air donc. L’épithème de ce "mode de pensée", cette rationalisation infâme, c'est alors que Christian est accueillis par la Matriarche: les murs sont recouvert de vignettes et d'images dont on nous laisse le temps d'observer l'innombrabilité.
Cela a une certaine importance mais on nous demande de l'abandonner. Ce qui fait vivre et respirer le récit ce sont les émotions. Ces émotions que l'on partagent, qui nous rendent ivres quand, libéré on les exprimes sans retenus. Les moments ne font que balancer entre des sentiments de rejets, d'abandons, de doutes, de choques terribles et de persuasions, honnête ou non. Tout s'exacerbe.
Un enchainement majestueux est celui du cercle danse, ou après la fièvre et l'abandon on se trouve félicité. Le repas est prêt et déjà tout le monde rit avec vous, vous sourit. Puis vous avez un certain regret a laissez votre petit ami derrière mais l'on exécute un rituel beau et un nouveau cercle s'y dessine, quelque chose de fascinant et doux, porteur de sérénité. La musique c'est tut et on vous demande de chanter. Quand a lui, il est confronté a un évènement absurde, mais la aussi la beauté perce, l'ironie s'efface dans cette émotion partagé. Ce chant de tous qui emplit le vide. Par le trou d'une serrure l’effroi vous saisit et le désespoir revient vous inonder. On vous accompagne alors que vous pleurer comme un nouveau née. La encore les cris sont partagés et font la bande sonore, les personnages qui habitent cette pièce ont atteint un niveau d’osmose avec l'objet ou se déroule leurs drames, ils en sont devenus le tissu temporelle. La douleur se meut en résiliation teinté d'une certaine colère ...
Le deuxième aspect qui implique le spectateur et relate son parcours dans le film, c'est celui de l'invitation a l'assise. Cette invitation que refuse Christian a Dany. Cette assise que l'on nous fait attendre au repas, avant que le cadre s'abaisse avec les personnages. Ces personnages que l'on portent sur des sièges ou debout. Ou celle ci que Pelle propose a Dany, pour y partager sa peine. Ou celle que la Matriarche impose a Christian. On semble nous dire: "Est tu bien prêt ? Est tu confortablement assis dans ton siège ? Est tu prêt a y être consumer par la lumière ? A y voir ta rétine se consumer ?". Dany enfin, elle, nous, choisissons de nous assoir. Plus que cela, nous déterminons quand les autres s'assoit. L'interaction avec le film est ultime, le quatrième mur n'est pas brisé, il respire et nous avec lui ! Puis Christian est paralysé, son regard c'est tourné vers ces fleurs omniscientes, on lui, nous, ferme les yeux, puis lui rouvre. Il ne peut, comme nous, ni parler, ni bouger. Il ne peut que voir. Il brule, lui le cinquième élément de cette chaine de neuf, l'élément centrale, le soleil.
On sourit.
Toute ces gestes que l'on ne peut accomplir, nous pauvre Christian, Harga, nous Harga nous les accomplissons. Tout le spectre d'émotion qui pourrait surgir a cet instant comme un bouquet, il explose et crève l'écran. Les corps gesticulent, sont furieux, tendres, apaisés, joyeux, tétanisés, en colère, perdu, retrouvés, inquiet, réjouis ... Totalité.
Un moment pivot notamment dans le processus d’identification du spectateur et ce long affaissement dans Harga et son empathie profonde, c'est alors que Josh meurt. Quelqu'un qui porte en masque le visage de Mark suffoque a sa place par petit bruit autiste.
Peux être aussi le suicide des anciens, qui sont évidement associé au parents de Dany, les premiers personnages que l'on voit dans le film, et que l'on croit dormir - Hérédité aussi commençait par un réveil avant de secouer le spectateur et le couronner.
De The Wicker Man, Ari va beaucoup reprendre un leitmotiv, celui de cette inversion, de ce passement qui se produit quand Edward, le policier, passe la photo de celle qu'il s'est promis de retrouver au gens du village. On passe du coté des gens de Summerisle. Si ce n'était pas encore évident, on nous appelle seulement a l'abandon le plus totale dans une véritable hantise pour notre époque, le culte, la secte, le païen, soumis a la nature et embrassant la mort, l'invitant dans leurs danse.
Pour que le parcours soit entier, il ne faut pas que l'on s'attache aux personnages réellement, on nous demande d'être sadique. Mais pas trop. Quand Christian est tout désorienté, qu'il est guidé vers un destin sans recours et ou il n'est même plus capable de se montré désobligeant, il en devient sympathétique. On a besoin de cela pour le feu de fin. On a aussi besoin de ces respirations et de ses chants qui prennent de l'importance, nous ramène a nous même et teinte le métrage d'une sensorialité qui passe outre la bande son - phénoménale cela va sans dire.
Puis sont légion d'autre détails qui appuient une cohérence implacable. Chaque petites choses a son écho. Tout moindre a ses méandres. Sans s’égosiller.
La voiture notamment. L'espace familiale ou l'air est vicié. Dans la cabine d'avion Dany reprend son souffle. Cette automobile ou ses amis la fuit dans son rêve - le visage de Mark, moqueur, seul éclairé et les phares de la voiture tel des cornes pourpres. Cette voiture ou le cadre se retourne. Puis le carrosse fleuris qui emmène la Reine de Mai vers sa nouvelle famille. Et le ciseau sous l'oreiller du nourrisson qui ne sait pas encore qu'il doit couper le cordon. Le dialogue au réveil de Danny, qui joue avec le temps de manière délicieuse (parfait pour un "lendemain"). Ou quand elle est atteinte de glossolalie. Ou la vache qui lors du premier rituel décide du rythme. On ne coupe que quand elle aura traversé le cadre - et c'est pour cela que le rythme m'as parut parfait cette fois ci, c'est long quand il faut, plus saccadé si besoin est. Pas de faux pas, même a reculons. On nous amène a prendre notre temps, a le distiller avec perspicacité. Et les Américains qui passent leurs temps a jurer, leurs vocabulaire de charretier. Même le nom de Christian Hugues, prononcé Use la seul fois ou il l'est, au moment de la loterie, et que l'on peut traduire par "habitude", "usage". Tout ces moments ou Dany est couronnée ...
On peut aussi noter des éléments plus intrinsèque a la logique des personnages. Dany se voit dans une cabane, le visage déformé. L'oracle allongé observe les ébats dans la salle ou le miroir est voilé, et son œil ou se fond ce qu'il voit ressemble a la serrure. La jeune promise pour Christian se recoiffe devant le miroir, ou elle apparait si belle pour la première fois. Comme l'autre couple, elle semble n'être qu'une projection de Danny, une idéalisation, un rouage du conte - la fille de ce couple se verra abandonner par son conjoint et Danny ira interroger Christian avant de devoir constater son désintérêt totale. Ce mécanisme d'écriture sont communs mais ici participent a ce sentiment de rêve éveillé.
Puis tout le reste et les interstices ...
Enfin bon. Monumentale a mon sens. Ari Aster, a défaut d'Osier, Dieu Vivant.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 14 août 2019
Critique lue 1.5K fois
2 j'aime
D'autres avis sur Midsommar
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
Par
le 3 août 2019
206 j'aime
61
Tout était bien parti pourtant : un prologue efficace et puissant, une mise en scène froide et chirurgicale à la Shining qui sait captiver et créer une ambiance joliment anxiogène, et la présence à...
Par
le 1 août 2019
202 j'aime
31
En introduction disons-le tout net, je ne fais pas partie de ceux qui attendaient ce "Midsommar" conquis d'avance, n'étant absolument pas un adorateur du déjà culte "Hérédité", dont la mise en place...
Par
le 1 août 2019
90 j'aime
32
Du même critique
Un trait de crayon, un cheveux, un chemin, un fil, ce sont ces cometes qui tracent nos rencontres. Idée née d'une banalite, on oublie toujours les noms de ces personnes, ces instant trop court que...
Par
le 7 janv. 2017
4 j'aime
Retour a Harga est c'était encore mieux - Max Linder oblige aussi. Tout les problèmes que j'avais avec le rythme du film, les longueurs dans le milieu, le manque d’intérêt pour certain personnages,...
Par
le 14 août 2019
2 j'aime
SPOILER SPONGIEUX ET POILANT Moi j'aime bien quand il y a une petite meta par rapport au spectateur. Voila c'est tout. Bien sur le film fait le pont entre giclée de sang et la sexualite, facile,...
Par
le 7 juil. 2017
2 j'aime
4