Le sacre de l'été
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
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le 3 août 2019
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Christian et ses amis sont sur le point de s'envoler pour le nord de la Suède où la communauté d'Harga organise des festivités pour le solstice d'été. La petite amie de Christian, Dani vient d'être frappée par un deuil familial. Elle décide de partir avec eux.
Midsommar est un film d'horreur suédo-américain de Ari Aster (Hérédité) de 2019.
Depuis The Wicker man de 1973 réalisé par John Hardy, le cinéma n'était plus revenu sur le thème du paganisme et ses rites, célébré par les communautés en hommage à leurs divinités.
Après un début de film angoissant, Midsommar plonge le spectateur d'entrée dans une séquence introductive funeste au son d'une musique glaçante et sur des images percutantes.
Dani est sans nouvelles de sa soeur bipolaire et de ses parents qu'elle essaie de joindre en vain. Les pompiers découvrent que sa soeur s'est suicidée. Elle a entrainée ses parents avec elle dans une entreprise de mort aussi épouvantable que sophistiquée.
Dani ne parvient pas à surmonter son deuil et surtout les circonstances de la mort de ses proches.
Apprenant que Christian et ses amis vont aller passer quelques jours en Suède invités par Pelle, l'un de leurs amis, dans une communauté qui célèbre le solstice d'été au cours d'une fête qui ne ne se tient que tous les 90 ans, elle décide de se joindre à eux.
Aucun d'entre eux n'est préparé à ce qui les attend...
Midsommer réserve toujours une longueur d'avance au spectateur qui sait d'entrée que les principaux protagonistes du film vont au devant de sérieux problèmes. Débarqués dans la communauté, les jeunes américains vont cotoyer des expériences collectives sous psychotropes et se familiariser avec les écrits runiques.
L'idée centrale de Midsommer réside dans l'antagonisme entre le système des valeurs du Paganisme issues des traditions paiennes scandinaves et celui de la Chrétienté.
La bande d'amis débarque dans une Suède où le soleil ne se couche jamais. La photographie nous montre une nature magnifique baignant dans une lumière étincelante. Dans une perspective d'inversion des codes, la caméra nous montre des personnages dans des plans renversés, comme si le ciel azur au dessus de la tête des protagonistes devenait tout à coup terriblement menaçant. En effet, ce décor idyllique cache des rites et des croyances en décalage total avec des valeurs chrétiennes comme la compassion, l'empathie et la charité.
Le déroulement du festival et ses manifestations choquantes pour le profane vont mettre de plus en plus mal à l'aise le petit groupe.
Après un repas collectif où siégeaient 2 ainés comme invités d'honneur, le suicide rituel de cet homme et de cette femme qui se précipitent du haut d'une colline dans le vide pour s'écraser brutalement sur le sol traumatise Dani et ses amis.Le visage et le corps broyé des 2 "sacrifiés" renvoient à Dani l'image de la mort telle qu'elle ne veut pas la voir, elle qui voudrait se souvenir de ceux qui sont partis comme ils étaient, du temps où ils étaient en vie. Cela illustre aussi l'antagonisme entre le sacré chrétien nourri d'espérance et les croyances paiennes où tout n'est que recyclage pour alimenter le cycle de la vie. Comme Dani, le spectateur est heurté par ces images traumatisantes.
Au contraire, pour les disciples de la communauté qui manifestent leur joie face à ce spectacle macabre, ce double suicide s'inscrit dans le cycle de la célébration.
Il faut se souvenir qu'avant l'apparition des monothéismes il y a plus de 2500 ans, les religions polythéistes, ainsi que les cultes paiens, pratiquaient allègrement le sacrifice en guise d'offrandes aux Dieux.
De plus en plus traumatisée, la bande d'amis va tout mettre en oeuvre pour quitter la communauté au fur et à mesure que les agissements de ses membres lui paraissent toujours plus inquiétants.
Instrumentalisés par Harga, les jeunes américains sentiront de plus en plus leurs destins leur échapper.
L'étau se resserre autour d'eux dans un monde pourtant ouvert baignant dans une lumière étincelante. La réalisation renforce l'impression de malaise après cette image forte, faisant surgir ça et là des images quasi subliminales de crâne écrasé ou de membre broyé.
Piégés les uns après les autres, ils seront tous assassinés ou mis de coté pour le grand sacrifice final clôturant la fête du solstice. Ils comprendront un peu tard qu'ils n'étaient là qu'afin de servir les intérêts de leurs hôtes. Leur ami Pelle leur a tendu un piège mortel...
Midsommer relate le parcours de la métamorphose de Dani. Elle passera du chagrin et des valeurs de l'amour et de la compassion à celui de l'abandon, de la "terre brulée" et de nouvelles valeurs, optant pour détruire ce quelle était sensée chérir.
Ainsi elle abandonnera le monde du deuil et des larmes pour retrouver celui de la joie et du sourire, issus de sa nouvelle philosophie de vie. Couronnée Reine du solstice d'été, elle s'abandonnera elle aussi à la sarabande hédoniste avec celles et ceux qui l'entourent. Le film s'était ouvert sur la description d'une fresque prophétique de fête paienne et de sacrifice, la boucle est donc bouclée.
Avec l'expérience nihiliste, immersive et cérébrale que constitue Midsommer, Ari Aster confirme tout son talent de réalisateur pour ce qui constitue pour le spectateur autant un film qu'une expérience. Aux antipodes des Horror teenage movies standards qui débarquent sur nos écrans chaque année, Midsommer marque intelligemment le cinéma de genre de 2019 et confirme tout le talent de Florence Pugh (My Lady...).
Casting: Florence Pugh (Dani), Jack Reynor (Christian), Will Poulter (Mark), William Jackson Harper (Josh).
Le film a été tourné en Hongrie.
Bande originale: Bobby Krlic
Et comme un dernier pied de nez, le générique de fin, The sun ain't gonna shine anymore:
https://www.youtube.com/watch?v=9CvuR-pSTwg
Ma note: 8/10
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le 13 août 2019
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