Pour son deuxième long-métrage, Ari Aster frappe très fort. Tout comme Jordan Peele, il délaisse histoires de fantômes, invasion de zombies et jump scares habituels pour créer un nouveau genre horrifique où l'Homme est un monstre qui se suffit à lui-même. Depuis que Trump est au pouvoir, ces films font subtilement écho à la violence intrinsèque qui sommeille en chacun de nous, aux mouvements de masse effrayants qui écrasent les valeurs d'autrui et aussi à notre incapacité d'agir face à ça. Midsommar est d'une richesse de sens étonnante. Ari Aster observe à la loupe un microcosme à la beauté angélique apparente mais aux rites ancestraux monstrueux. Pour ma part, ce fût une expérience rare et déstabilisante en tant que spectateur... Un véritable cauchemar éveillé dont on a du mal à sortir. On est comme englué, coincé dans un jour sans fin où la lumière, les sourires et l'esprit fraternel deviennent angoissant et agressif. A l'instar des personnages "touristes", on subit l'action sans jamais avoir les réactions virulentes qu'on pourrait attendre d'un film d'horreur. C'est exactement comme les cauchemars où on est incapable de bouger et de se défendre face à un danger. Ca en devient presque épuisant et gênant... On est shooté, anesthésié de notre réalité pour mieux supporter ces rituels sortis d'un autre monde. La mise en scène, incrustée d'hallucinations plus ou moins marquées, dilue le temps (presque 2h30) dans une atmosphère singulière et déroute nos sens en ne prenant jamais parti. Si bien que notre esprit finit par accepter cette folie et à être plus conciliant et tolérant face à cette communauté. Et c'est là que réside toute l'horreur indicible et la puissance de Midsommar. Cela va de paire avec l'évolution du personnage de Florence Pugh, qui est très intéressant à suivre et remarquablement interprété. La question du deuil, déjà fortement présente dans Hérédité refait surface ici et surenchérit avec celle de la rupture amoureuse. Tout prend sens avec profondeur et effroi dans un final qui laisse sans voix. Mais ce patchwork de l'âme humaine recèle d'indices, de détails et de non-dits à analyser. Difficile à regarder, difficile d'en sortir, difficile de tout cerner, difficile d'accepter nos ressentis, Midsommar est un chef-d'oeuvre de cruauté. "L'homme est un loup pour l'homme", telle est notre angoisse des temps modernes.

alsacienparisien
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le 5 août 2019

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